2017
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Jiri Jakl et al., « Custom, Combat, and Ceremony: Java and the Indo-Persian Textile Trade », Bulletin de l'École française d'Extrême-Orient, ID : 10.3406/befeo.2017.6248
Le commerce des textiles permet d’appréhender de façon multidisciplinaire les flux de la culture matérielle, les manifestations du pouvoir et, in fine, les changements dans la perception de soi. Cet article se concentre sur les contacts pré-islamiques entre le monde Malais, Java, le golfe Persique et le sous-continent Indien. Nous réfutons l’opinion établie selon laquelle certains éléments de vêtement cousus ont été introduits dans l’Asie du Sud-Est insulaire suite aux contacts plus intenses avec des communautés musulmanes prosélytes. Au contraire, nous soutenons que ces innovations vestimentaires sont antérieures, parfois de plusieurs siècles, à l’introduction et à la propagation de l’Islam dans la région. Nous soutenons cette affirmation en analysant en détail le terme baju ou vaju, en dernier ressort d’origine persane, qui a été adopté et adapté dans tout l’archipel. D’abord attesté dans la Java du x e siècle, il se référait à une veste spirituellement puissante, mais aussi – par extension sémantique – au torse d’un guerrier consacré par voie magico-rituelle. Le deuxième terme lié au textile examiné ici est cavəli. Nous démontrons qu’il s’agissait d’un tissu de coton extrafin importé d’Inde. Il était considéré comme un luxe manifeste, accessible uniquement aux clients les plus aisés, et en tant que tel très recherché par les élites locales en quête de signes d’élévation. Nous concluons en posant que le commerce, à travers l’archipel, de tissus et d’autres produits textiles reflète un monde de plus en plus connecté, à l’échelle de l’océan Indien tout entier, dans lequel les éléments de culture matérielle importés sont devenus essentiels à la représentation du statut et aux rituels compétitifs. Dans toute l’Asie du Sud-Est maritime, l’introduction de ces objets est venue en renfort des notions de puissance spirituelle.