2013
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Jean-François Pasty et al., « Identification d’une composante gravettienne sur le site de plein air des Tailles du Clou à Clugnat (Creuse, France) », Bulletin de la Société préhistorique française, ID : 10.3406/bspf.2013.14258
Le site des Tailles du Clou se trouve dans le Nord-Est du département de la Creuse, près du village de Clugnat. Les vestiges se rencontrent sur environ 1 ha au sommet d’un plateau qui domine la vallée de la Petite Creuse. Les prospections réalisées sur le site depuis sa découverte en 2003 ont permis de recueillir une série lithique riche de plus de 15 000 pièces. Cet ensemble n’est malheureusement pas homogène et est le résultat d’une succession d’occupations depuis le Paléolithique moyen jusqu’au Néolithique final. Le manque d’homogénéité de la série nous a amené à dégager les différentes composantes à partir des critères technotypologiques. Les tris en fonction des états de surface ou des types de matières premières se sont avérés inopérants dans le cas présent. L’identification de la composante gravettienne au sein de la masse de vestiges récoltés s’appuie sur la présence d’éléments typologiques diagnostiques (pointes de la Gravette et microgravettes) et sur celle de modes de production laminaires et lamellaires. Tout élément pouvant appartenir à un autre faciès chrono-culturel n’a pas été pris en compte. Ce classement écarte ainsi la quasi-totalité des outils domestiques et une partie des lamelles à dos, trop ubiquiste. Un ensemble de 231 pièces sont rattachées à l’occupation gravettienne. Les différents éléments attribués à cette occupation font état d’une certaine homogénéité d’ensemble. Compte tenu du contexte, il faut cependant considérer que plusieurs phases d’occupation peuvent être présentes. La répartition du matériel par matière première montre un approvisionnement en direction du nord avec une prédominance du silex tertiaire de la région de Vicq-Exemplet (39 %) devant celui du Turonien supérieur du Grand-Pressigny (30,3 %) et du Turonien inférieur du Berry (29,9 %). Les modalités d’approvisionnement en matières premières, exclusivement orientées vers les formations siliceuses du Bassin parisien, tendent à rapprocher le site des Tailles des occupations de cette région. Le débitage laminaire des Tailles est relativement ubiquiste à l’échelle du Gravettien. Il est illustré par des nucléus à table cintrée où la bipolarité est dominante, ainsi que l’usage de la pierre tendre. On peut le comparer à celui décrit pour le Gravettien récent du Cirque de la Patrie (Klaric, 2003) ou encore à celui du locus 11-14 de la Croixde-Bagneux à Mareuil-sur-Cher (Kildea et Lang, 2011). Des lames plus robustes probablement importées servent de supports au débitage lamellaire aux dépens de burins-nucléus polyédriques. Ce schéma est comparable à celui décrit sur plusieurs sites attribués au Gravettien récent : Le Blot (Klaric, 1999, 2003 et 2006), Mainz-Linsenberg (Hahn, 1969 ; Klaric, 2003), Mancy (Chehmana et al., 2008) ou encore Les Peyrugues, C. 22 et 20 (Klaric et al., 2009). Sur le plan typologique, l’industrie se caractérise essentiellement par la présence de gravettes et de microgravettes, auxquelles s’ajoutent de nombreux fragments. L’absence totale de burins de Noailles et du Raysse au sein de la série écarte l’hypothèse d’une fréquentation du site durant la phase moyenne du Gravettien. Les marqueurs de la phase ancienne (pointes de La Font-Robert et fléchettes) manquent également. L’attribution chronologique s’oriente donc logiquement vers la phase récente du Gravettien si l’on se base sur la composition typologique de l’industrie. Cette attribution est nuancée par les données fournies par le site des Bossats à Ormesson (Bodu et al., 2011). Ce site est daté d’une phase relativement ancienne du Gravettien (26691 ± 530 BP) et son débitage est ubiquiste. Il offre un corpus d’armatures dominé par les microgravettes, sans éléments typologiques caractéristiques du Gravettien ancien. Compte tenu de ces données, on ne peut totalement exclure l’existence d’une phase ancienne aux Tailles, même si les éléments convergent davantage vers une attribution chronologique au Gravettien récent. Les comparaisons avec d’autres sites montrent qu’au-delà d’une homogénéité apparente, les modalités de productions laminaires et lamellaires offrent une importante variabilité. Face à cette diversité, l’attribution de la série à une phase chronologique sans datations absolues laisse une part d’incertitude. Dans le cas présent, le rattachement au Gravettien récent à partir de critères techniques et typologiques cohérents, s’effectue aussi par défaut (absence de marqueurs typologiques évidents des phases anciennes et moyenne).