2014
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Boris Valentin et al., « Initialisation and progression of the core reduction process at Donnemarie-Dontilly (Seine-et-Marne, France), site of the Belloisian tradition. New interpretative key for comparisons with contemporaneous industries and Federmesser-Gruppen assemblages », Bulletin de la Société préhistorique française, ID : 10.3406/bspf.2014.14461
Lors de la transition entre Pléistocène et Holocène, certains chercheurs soupçonnent un très vaste phénomène de «globalisation technique » (Valentin, 2008) vu les fortes analogies entre des productions lithiques géographiquement éloignées ([ Épi-] Laborien, «Belloisien » , Ahrensbourgien voire Swidérien). Il faut désormais trouver les moyens d’apprécier le degré de parenté réel entre ces diverses traditions qui diffèrent tout de même parfois par leurs armatures. Y a-t-il de réelles similitudes concernant les méthodes de taille, en quoi consistent-elles et qu’indiquent-elles sur les caractéristiques précises des objectifs laminaires et lamellaires ? En quoi ces méthodes et ces intentions se distinguent-elles par ailleurs de ce que l’on connaît dans l’Azilien récent (cf. Späte Federmesser-Gruppen) ? Dans cet article, nous commençons à décrire le mode d’initialisation et de progression du débitage dans les industries belloisiennes en réexaminant en détail celle qui a été recueillie à Donnemarie-Dontilly et qui a fait l’objet de nombreux remontages. Au tout début de l’article, on en profite pour quelques nouvelles brèves remarques palethnographiques reposant la question de la fonction de ces curieux gisements belloisiens. Pour aborder l’industrie de Donnemarie, on propose ensuite un vocabulaire technologique rigoureux distinguant initialisation et progression et prenant en considération l’amplitude et l’orientation de cette progression. Cent-onze opérations de taille réussies sont analysées sous cet angle, les informations les plus fiables provenant de remontages assez complets ou bien des nucléus dont le volume initial peut être restitué. À quelques très remarquables exceptions près – quelques exploitations strictement faciales – l’initialisation a généralement lieu sur la partie la plus étroite des volumes, ce qui est normal pour des productions de lames et de lamelles. Ensuite, la progression diffère selon le matériau concerné. Sur les volumes en silex tertiaire à section plano-convexe, la progression est vite élargie, très souvent de façon dissymétrique, par conséquent vers une surface large s’aplatissant vite. Or une progression symétrique était parfaitement possible sur un certain nombre de volumes s’ils avaient été mis en forme pour cela, si bien que le choix inverse prend valeur d’option avec comme conséquence la minceur des lames et lamelles les plus régulières. Sur les volumes en silex secondaire à section ovalaire, c’est une progression symétrique qui prédomine largement, ce qui est parfaitement logique, mais il y a tout de même plusieurs cas de nette dissymétrie à laquelle la morphologie initiale n’incitait pas du tout. Il existe aussi un certain nombre de nucléus sur lesquels nous n’avons pas pu reconstituer le mode de progression : ce qui est alors remarquable c’est l’aspect très aplati des surfaces de débitage lors des dernières séquences, celles-ci fournissant donc, quel qu’ait été le mode précédent de progression, des lames ou lamelles minces quand la percussion reste marginale. Ces dernières séquences ont été réalisées dans des conditions limites pour des débitages de produits allongés, cet aplatissement augmentant le risque de réfléchissement ainsi que la sinuosité des nervures guides, et diminuant donc la productivité en lames et lamelles. Cette prise de risques et ce sacrifice relatif de productivité sur des nucléus pourtant traités avec soin renforcent à nos yeux le caractère optionnel et donc distinctif de cet aplatissement répété. Cette recherche fréquente de lames et lamelles particulièrement minces (et à extrémité effilée vu l’usage fréquent de deux plans de frappe en alternance rapide) se retrouve dans les assemblages belloisiens de la Somme et de Normandie que nous avons commencé à examiner en y reconnaissant de plus les grands principes en matière d’initialisation et de progression évoqués plus haut. Dans ce domaine, il existe aussi des parentés manifestes avec les industries post-aziliennes du Centre-Ouest de la France publiées par N. Naudinot (2010 et 2013) : ce sont d’ailleurs ses observations qui nous ont incités à réexaminer le «Belloisien » sous cet angle particulier. L’enquête doit désormais se poursuivre bien au-delà parmi d’autres industries apparentées de la transition Pléistocène-Holocène. Dans ces industries, nous nous demandons donc maintenant si, en plus de leur effilement distal, ce n’est pas la très fréquente minceur générale des lames et lamelles régulières qui est discriminante. Cette qualité serait liée à la fois à l’élargissement vers des surfaces plates et à des détachements souvent très marginaux par contraste avec des percussions généralement internes dans l’Azilien récent.