2019
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Sylvie Caucanas, « Viols et homicides. Les moines de Fontfroide en accusation au XIVe siècle », Cahiers de Fanjeaux, ID : 10.3406/cafan.2019.2322
Dans le premier quart du XIVe siècle, un long procès oppose, devant le sénéchal de Carcassonne, le monastère de Fontfroide aux consuls du Bourg de Narbonne. Ces derniers produisent contre l’abbé et le monastère de Fontfroide 56 chefs d’accusation dont 11 font référence à des crimes de chair (adultères, viols, viol suivi de meurtre, pratiques homosexuelles). Même si on est enclin à admettre qu’ils sont bien réels, les 11 crimes de mœurs, imputés aux moines de Fontfroide, ne sont que des prétextes invoqués par les consuls du Bourg pour déconsidérer moralement la partie adverse et éliminer un rival de taille dans la possession des vacants pour les droits de dépaissance et de «lignerage». La violence des faits dénoncés n’est pas ce qui choque le plus les accusateurs ; ce qu’ils veulent voir condamnés ce sont le déni de justice, la complaisance du monastère et l’impunité des coupables. Il n’en demeure pas moins qu’à la lecture de la procédure, on constate que la communauté religieuse de Fontfiroide s’est bien éloignée des principes qui ont présidé à la fondation de l’ordre cistercien : elle ne vit plus dans un désert mais dans un monde plein où les populations se disputent la jouissance des terres cultes et incultes ; avec l’accroissement considérable de ses possessions, elle a manqué d’hommes pour les exploiter et a fait de plus en plus appel à une main d’œuvre salariée pour pallier la diminution du nombre des convers. Il n’est donc pas étonnant que, dans les granges, loin de l’autorité morale et spirituelle de l’abbé, la vie religieuse soit reléguée au second plan par les préoccupations matérielles et les tentations chamelles.