1994
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Juliette Dor, « Langues française et anglaise, et multilinguisme à l'époque d'Henri II Plantagenêt », Cahiers de Civilisation Médiévale, ID : 10.3406/ccmed.1994.2579
L'étude de la culture anglo-normande a, au début de ce siècle, entraîné avec elle l'idée fausse d'un bilinguisme profond dans la société anglaise des XIIe et XIIIe s. En fait, à la veille de la conquête, le latin et le vieil-anglais littéraire jouaient le rôle de langues écrites et la langue parlée était un anglais dialectal, diversifié selon les régions. Ayant perdu tout prestige après la conquête, l'anglais qui va s'écrire à partir du XIIe s. se fonde sur ces dialectes. Mais aucune des trois langues (français, latin, anglais) ne peut assumer à elle seule toutes les fonctions linguistiques nécessaires. Quoique langue vernaculaire mal considérée par les clercs, le français est utilisé pour une traduction contemporaine de la Grande Charte de 1214 et des Provisions d'Oxford de 1258. Paradoxalement, après la perte de la Normandie, le français va affermir sa position, notamment dans le commerce, mais aussi ailleurs où il supplante peu à peu le latin. Il y a certes des bilingues (Henri de Huntingdon, Orderic Vital et Guillaume de Malmesbury étaient issus de mariages mixtes). Mais le français va bientôt s'affaiblir ; différencié dialectalement du français de Paris qui gagne du prestige au XIIIe s., le français d'Angleterre va se trouver dévalorisé. Henri II comprenait sans doute l'anglais (comme beaucoup d'autres langues) mais il parlait français et latin. Aliénor ne savait pas l'anglais. Leur sphère culturelle était internationale.