2001
Copyright PERSEE 2003-2023. Works reproduced on the PERSEE website are protected by the general rules of the Code of Intellectual Property. For strictly private, scientific or teaching purposes excluding all commercial use, reproduction and communication to the public of this document is permitted on condition that its origin and copyright are clearly mentionned.
Françoise Gasparri, « L'abbé Suger de Saint-Denis. Mémoire et perpétuations des œuvres humaines », Cahiers de Civilisation Médiévale, ID : 10.3406/ccmed.2001.2802
Suger, engagé dans l'action et la foi sous toutes ses formes — divines et humaines — fut un abbé administrateur, constructeur, ambassadeur, homme d'État, historien. Sa pensée, toujours prospective, jusqu'à l'obsession, domine toute son œuvre — gestion domaniale, exploitation des terres et amélioration de leurs revenus, recours constant à l'écrit, construction innovante de la basilique, reflet du programme philosophique et surtout politique de longue portée de l'abbé : réunir les trois dynasties royales pour faire de Saint-Denis non seulement la nécropole des rois et le lieu de dépôt des insignes royaux, mais aussi l'église protectrice du roi, le représentant du saint-Siège en France ; réformer l'abbaye, enrichir la liturgie, pour perpétuer la mémoire et la prière, le tout consigné dans des chartes confirmées par le roi et par le pape ; tenter de faire du roi son vassal pour subordonner le regnum à l'Ecclesia ; parallèlement, Suger exhalta la fonction royale, la plaçant au sommet de la pyramide féodale. Toute son œuvre écrite est tournée vers l'avenir et la mémoire, dans un combat harassant contre l'oubli, le pire ennemi. Son œuvre historique est destinée à offrir aux générations futures un modèle du roi, ses écrits sur sa propre œuvre devant offrir un modèle d'abbé dans sa fonction, non dans sa personne. Son objectif est essentiellement moral : éviter le mal, imiter le bien par l'exemple donné. Tendu vers l'idéal de la beauté et de l'harmonie du monde, l'abbé de Saint-Denis tente de réaliser sur terre sa vision eschatologique de l'unité du matériel et de l'immatériel, de l'humain et du divin, la fusion du ciel et de la terre en une seule « République ».