2021
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Alice Nikolli, « Lacs publics mais rives (en partie) privées : analyse d’un paradoxe géo-légal », Collection EDYTEM. Cahiers de géographie (documents), ID : 10.3406/edyte.2021.1445
Les grands lacs périalpins appartiennent au domaine public, avec des nuances juridiques selon les pays. Ce statut domanial est un héritage qui tient à leur caractère de voie navigable et qui assure en théorie le libre accès au plan d’eau, pour des usages divers et notamment pour les pratiques récréatives et touristiques. À partir d’une thèse qui a permis de documenter les cas français, italien et plusieurs cantons suisses, l’article croise statut juridique des lacs domaniaux et analyses géographiques relatives à leurs usages et à l’accessibilité empirique de leurs rives. Il montre que le droit domanial a construit l’objet «lac » selon une délimitation spatiale très restrictive, qui ne comprend que le plan d’eau, bien qu’il puisse parfois s’étendre à une partie de la rive, quand des servitudes de passage sont prévues. Mais cette emprise spatiale s’est encore rétractée entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, du fait de l’urbanisation-privatisation des rives qui a rendu ces servitudes caduques. Dans un contexte actuel où la demande sociale de lac est forte mais s’avère souvent difficile à satisfaire du fait de la privatisation des rives, cette construction juridique de l’objet lac pose question. Car si le modèle de la domanialité publique assure en théorie des garanties solides (inaliénabilité, imprescriptibilité, libre accès), cette délimitation spatiale très restrictive fait le jeu des acteurs qui ont intérêt au maintien du modèle privatif d’appropriation des rives et empêchent le statut domanial d’être réellement efficient en matière d’accès aux grands lacs périalpins. L’article propose ainsi d’expliquer le paradoxe géo-légal qui voit un régime juridique très protecteur échouer face à la privatisation littorale.