2016
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Pierre-Henri Durand, « L’illusion de la clémence ou les six pièces peccamineuses de l’an 1711 », Études chinoises. 漢學研究, ID : 10.3406/etchi.2016.1561
Le grand procès littéraire de la fin du règne de Kangxi, qui coûta la vie à l’académicien Dai Mingshi, mit un terme à cinquante années de tolérance. Un mémoire au trône, récemment exhumé, révèle que l’auteur du Recueil de la montagne du Sud ne fut pas seulement condamné pour une lettre, restée fameuse, plaidant la légitimité du combat des derniers des Ming. Il le fut aussi pour cinq «préfaces» (l’une à des poèmes, les autres en guise d’hommage), que les censeurs chargés d’éplucher son ouvrage jugèrent non moins peccamineuses. Ces six pièces, qui étaient le fruit de mondanités lettrées, offrent le remarquable intérêt de montrer à nu, par la seule vertu de l’exemple, et loin des pièges du subjectivisme, la brutalité du changement qui affecta la liberté de parole des hommes de lettres. L’exécution de Dai Mingshi marqua le début de temps plus contraints : les esprits se firent moins piquants, les pinceaux plus prudents, les expurgations plus nombreuses. Les règnes de Yongzheng et de Qianlong allaient confirmer que les mots d’espoir d’un proche des accusés s’écriant qu’une «Sainte dynastie» ne saurait «tuer des lettrés» n’étaient qu’un vain mirage.