2000
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Yves Rossetti et al., « L'ego Légo® : déconstruire et reconstruire le cerveau-esprit ? », Intellectica, ID : 10.3406/intel.2000.1605
Les neurosciences cognitives ont apporté un important ensemble de données démontrant l'existence de deux ou plusieurs systèmes distincts, implicites et explicites, participant d'une même fonction : identifier un objet ou un visage, localiser une cible dans l'espace, produire une action, mémoriser un événement, ou même attribuer une pensée à autrui ou réagir affectivement à un événement. En particulier, l'étude de la perception met en évidence un hiatus entre la représentation consciente et ce qu'elle représente, dans le sens où cette représentation est une interprétation du monde. Mais on peut remarquer que ce hiatus n'est pas compatible avec la survie individuelle, qui implique des réponses précisément adaptées aux propriétés non seulement sémantiques mais aussi physiques de l'environnement. Lorsqu'il s'agit de produire une action immédiate : la main doit atteindre son but, et les doigts se conformer à l'objet, bien réel, à saisir. Les (re)présentations visuelles internes mises en jeu lors d'une action simple se doivent donc d'être strictement conformes à l'espace physique, ce qui permet d'évoquer l'existence d'une " immaculée perception ", bien distincte de la représentation consciente. Des caractéristiques particulières, d'ordre neuro-anatomique et physiologique, d'ordre spatial ou même temporel, peuvent ainsi être attribuées respectivement à chacun de ces deux modes de traitement de l'information sensorielle. En affinant ces distinctions, on peut ainsi diviser chaque système fonctionnel en de nombreux sous-systèmes identifiés. La question se pose alors de savoir comment ces représentations peuvent interagir ou être intégrées. Des résultats récents montrent que des interactions entre deux sous-systèmes perceptifs (cognitif et sensori-moteur) sont possibles, même si elles sont étroitement dépendantes de contraintes temporelles. Il semble à l'heure actuelle que la tâche des neurosciences intégrées rejoigne celle réalisée à chaque instant par le cerveau : de la même façon que la matière biologique doit nécessairement opérer une synthèse (d'ordre spatial ou temporel) des opérations réalisées de façon distribuées dans le temps et l'espace cérébral pour faire apparaître la conscience, les chercheurs doivent s'efforcer de faire la synthèse des connaissances morcelées (et divisantes) acquises sur le cerveau pour arriver à présenter des hypothèses cohérentes sur la genèse des phénomènes de conscience. Il s'agit donc de concevoir le fonctionnement cérébral dans la complexité des interactions qui existent entre différentes aires et les différents sous-systèmes identifiés, et de préciser les limites et les contraintes de ces interactions, notamment dans le domaine temporel. Le défi actuel des neuroscientifiques n'est donc plus de diviser encore plus avant la matière cérébrale pour régner sur l'esprit, mais de tenter une reconstitution de cette entité que constitue le cerveau, ou même faut-il l'espérer, l'esprit-cerveau.