1997
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Annie Lepalec et al., « Entretien avec Françoise Héritier », Journal des anthropologues, ID : 10.3406/jda.1997.2017
Françoise Héritier trouve, dans les inquiétudes à l'égard du sida, des correspondances avec les butoirs de la pensée : le rapport à autrui, les règles qui fondent la confiance de l'entre-soi, l'idée de la contamination de la part d'un autre responsable, la contrainte vis-à-vis de l'agent contaminant (ou son alternative posée en termes éthiques, la nécessité de convaincre). Elle souligne les retournements et glissements successifs qui font que, dans certains systèmes de pensée, la femme, responsable de la vie, peut être tenue aussi pour responsable de la mort et que sa mort est naturelle alors que celle de l'homme ne l'est pas. Les femmes sont du côté de la matière, constituent un collectif indifférencié, sont donc interchangeables, alors que l'homme est pensé comme individu. Le sida, s'il permet la reconnaissance du statut d'individu pour les femmes, peut participer au mouvement de bascule de la hiérarchisation des valeurs attribuées aux éléments de ces oppositions dualistes. Mais, pour être durables, les marques d'émancipation doivent être accompagnées du partage entre hommes et femmes de la maîtrise de la procréation, avec, pour les femmes, le libre choix de la contraception et même de l'avortement. Enfin, en tant qu'anthropologue, elle montre le danger des «détournements des théories relativistes » et «plaide pour la mise à jour des lois et invariants ».