2010
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Eric Gilli et al., « La Combe de Crousette (Parc national du Mercantour, Mont Mounier, Alpes-Maritimes). Intérêt paysager d'un karst juvénile postglaciaire », Karstologia, ID : 10.3406/karst.2010.2678
La Combe de Crousette est située dans le cœur du Parc national du Mercantour, vers 2 300 m d'altitude au pied du mont Mounier. Le paysage est constitué d'une mosaïque de lapiaz et de pelouses divisé par la dépression tourbeuse des Laces, où méandre un ruisseau permanent. La barre de Sallevieille constitue la limite nord du plateau. Son ossature est constituée de calcaire tithoniques, épais d'une centaine de mètres, pris en sandwich entre des couches marneuses, respectivement du Kimméridgien et du Crétacé. La structure tabulaire est morcelée par la fracturation, à l'origine d'une mosaïque de petits horsts et grabens, le plus important étant le graben des Laces. L'altitude et l'orientation en ubac ont permis le maintien tardif de langues glaciaires occupant les cirques jusqu'au Préboréal (= 7 ka). Les processus glaciaires et périglaciaires ont produit des éboulis et des moraines qui tapissent les versants périphériques. Des nappes perchées contenues dans ces formations superficielles alimentent des ruissellements permanents ou temporaires, qui se perdent dès l'arrivée au contact des calcaires sous forme d 'embuts colmatés. L'Ubac de Mounier est drainé par une perte dans les moraines, qui alimente probablement les sources et le ruisseau des Laces, qui se perd à nouveau dans des fractures de décompression à proximité de la barre de Sallevieille. D'autres pertes secondaires, ainsi que l'alimentation diffuse, s'infiltrent pour alimenter les sources situées au pied de la barre de Sallevieille. Les cavités sont des puits à neige, rares et peu profonds. Elles ont été formées par les pertes issues des fossés couverts de pelouses, agrandies à proximité de la surface par la fonte des névés. Ces cavités juvéniles sont récentes, tout comme les modelés de surface. Hormis le poljé des Laces installé dans le graben, les banquettes glacio-karstiques, polis et roches moutonnées, les autres modelés se sont formés après le retrait du glacier. Les revers de banquettes sont sculptés de divers types de lapiaz nivaux (en méandre, de fracture, en pointe, etc.), le retrait des pelouses révèle des encoches de sols formées par crypto-corrosion. Les bancs de silex insolubles, agissant comme des piédestaux miniatures, permettent d'estimer l'ablation superficielle par corrosion depuis la déglaciation à 5 cm au maximum. Ce karst juvénile a amorcé son développement principalement sous l'effet de la fusion nivale, suite au décapage des couvertures marneuses par les glaciers wurmiens ou tardiglaciaires. Les écoulements souterrains, quoiqu'inconnus, semblent déjà bien organisés, mais les modelés de surface et les cavités sont en cours de développement. Des recherches complémentaires seraient nécessaires pour affiner la chronologie de la déglaciation à partir des tourbières et par conséquent l'âge et la dynamique des modelés ainsi que pour évaluer les modalités de circulations souterraines dans ce contexte juvénile. Enfin, les paysages karstiques offrent un potentiel de valorisation patrimoniale dans le cadre du cœur du Parc national du Mercantour, peu doté par ailleurs en paysages karstiques d'altitude.