Observations de karsts pliocènes fossilisés par des limons éoliens quaternaires dans les monts de Matmata (Sud-est tunisien)

Fiche du document

Date

2011

Discipline
Type de document
Périmètre
Langue
Identifiant
Source

Karstologia

Collection

Persée

Organisation

MESR

Licence

Copyright PERSEE 2003-2023. Works reproduced on the PERSEE website are protected by the general rules of the Code of Intellectual Property. For strictly private, scientific or teaching purposes excluding all commercial use, reproduction and communication to the public of this document is permitted on condition that its origin and copyright are clearly mentionned.




Citer ce document

Abdeljalil Sghari, « Observations de karsts pliocènes fossilisés par des limons éoliens quaternaires dans les monts de Matmata (Sud-est tunisien) », Karstologia, ID : 10.3406/karst.2011.2688


Métriques


Partage / Export

Résumé En Fr

Observations of pliocene karsts fossilized by quaternary eolian silts in the Matmata mountains (South-east Tunisia). The submeridional Dahar chain in south¬ eastern Tunisia is over 200 km long. It is separated from the Mediterranean Sea by the Jeffara plain with some tens of kilometers in width. This landscape continues to the South into Libya, but to the North, the chain ends with the Matmata mountains which form a plateau slightly inclined to the west and some 10 km wide. The eastern scarp shows a mainly calcareous geological stratigraphy from Upper Permian to the Senonian. The Dahar-Matmata structure belongs to the Sahara platform and shows a hiatus during the whole Tertiary, since it was emerged since Upper Cretaceous. The Tunisian Atlas nearby shows a completely different paleogeographic evolution, with a complete Tertiary series and a later Plio-Quaternary structuration. These two paleogeographic domains of Southern Tunisia, the Sahara Atlas and the NE border of the Sahara platform, were influenced by the Messinian crisis (5.9 Ma to 5.3 Ma). This was expressed by the collapse of the Mediterranean Sea level, profoundly modifying the fluvial dynamics with an inversion of the erosional system, from normal erosion to regressive erosion. It results a deepening of canyons in the downstream part and a deepening of the watercourses in the upstream part. The geological structures in the Messinian have been deeply affected by these large eustatic changes, with an incision of cluses in the Atlas and the deposition of a thick clayey-sandy series that we could recently link to deltaic systems and Gilbert deltas. The re-establishment of seaways between the Atlantic and the Mediterranean, and the subsequent infill in the Lower Pliocene (Zanclean transgression), with an important inpact in Southern Tunisia, had multiple consequences in that region. The newly adjusted sealevel, together with a more humid climate that was confirmed by faunal and floral extension oof tropical plants in Northern Africa, stimulated an important karstification of the limestone areas. In the Dahar chain, caves, dolines, karstic depressions orkarstic dry valleys emerged, the most spectacular ones being found in the Matmata Mountains. The karstic depressions are the forms that represent best this Pliocene karstification that surely was interrupted in an early stage, because localized endokarstic forms had not enough time to develop. So the karstification seems to have been active in Matmata from 5.4 to 4.0 million years, i.e. two times as long than the duration of the Messinian crisis. The interruption of karstification is due to an increase in temperature and dryness, which even gets more intense during the Pliocene, pulverizing the soils. Already at the beginning of the desertification, a calcareous crust forms by rapid cristallization of dirt. It is immediately transported from the karstic zones to the Jeffara plain. This transfer fo dissolved calcite was the origin of the resistant calcific crust well known in the Jeffara plain. We now identified the same crust in a karstic depression in the Matmata Mountains, opening the way to new geomorphologic and tectonic interpretations, and a review of the eolian silts formerly attributed to the Upper Pleistocene. Later, during Upper Pliocene-Gelasian, we observe a general tectonic uplift of the Dahar chain and the Matmata Mountains as well as the subsidence of the Jeffara plain at the Medenine fault (NW-SE), prolonging the large Gafsa fault towards the East. The karstic paleoforms were thus uplifted more than 500 m, but nevertheless remain open on the Jeffara plain, as seen by large depressions. As a consequence, the karstic depressions of Matmata played the role of traps for eolian silts blown from the Jeffara plain during the extreme desertification in the Upper Pliocene-Gelasian. The morphological reconstruction since the Messinian shows a succession of important events during the Pliocene that profoundly influenced the Quaternary. All indications permit to reject the hypothesis that the Matmata silts came from the West (Eastern Erg).

La chaîne subméridienne du Dahar dans le Sud-est tunisien s'allonge sur plus 200 km ; elle est séparée de la Méditerranée par la plaine de Jeffara, large de quelques dizaines de kilomètres. Ce même paysage se prolonge au sud en territoire libyen. Au nord, la chaîne du Dahar se termine par les monts de Matmata qui forment un plateau large d'environ une dizaine de kilomètres, légèrement incliné vers l'ouest. Le talus oriental montre une stratification géologique à dominante calcaire d'âge allant du Permien supérieur au Sénonien. L'ensemble structural du Dahar-Matmata appartient à la plateforme saharienne et présente une lacune qui couvre tout le Tertiaire en raison de son émersion dès le Crétacé supérieur. A proximité, l'Atlas tunisien montre une évolution paléogéographique très différente avec une série tertiaire complète et une structuration plus tardive (Plio-Quaternaire). Les deux domaines paléogéographiques formant la Tunisie méridionale, l'Atlas saharien et la bordure nord-est de la plateforme saharienne, ont été touchés par la crise messinienne (5,9 Ma à 5,3 Ma). Celle-ci s'est traduite par l'effondrement du niveau marin méditerranéen qui a profondément modifié la dynamique fluviale avec une inversion du système d'érosion, d'une érosion normale à une érosion régressive. Il en a résulté un creusement de canyons à l'aval et un encaissement des cours d'eau en amont. Les structures géologiques au Messinien étaient fortement exposées à ces grands bouleversements eustatiques et paléogéomorphologiques, avec en particulier l'incision de cluses dans l'Atlas et surtout la mise en place d'une épaisse série argilo-gréseuse dont nous avons reconnu récemment les caractéristiques deltaïques et les rapprochements avec les Gilbert-deltas. Le rétablissement des communications entre l'Atlantique et la Méditerranée et le remplissage rapide de cette dernière au Pliocène inférieur (transgression zancléenne) dont nous avons montré la portée remarquable dans le Sud tunisien ont eu des conséquences multiples dans cette région. En effet ce nouvel ordre géographique, coïncidant avec une humidification climatique confirmée dans plusieurs travaux par l'extension de la faune et de la flore tropicales en Afrique du nord, avait stimulé une importante karstification sur les terrains calcaires. Dans la chaîne du Dahar, de nombreuses formes ont été creusées telles que des grottes, dolines, dépressions karstiques ou vallées karstiques sèches dont les plus spectaculaires sont développées dans les monts de Matmata. Les dépressions karstiques sont incontestablement les formes qui représentent le mieux cette karstification pliocène qui a sans doute été précocement interrompue car le creusement n'a pas eu le temps d'atteindre un endokarst localisé dans les couches moyennes de la série sédimentaire. L'épisode karstique à Matmata (5,4 Ma-4,0 Ma) a donc duré deux fois plus longtemps que la crise messinienne. Cette interruption est due à un réchauffement climatique et à l'installation de l'aridité qui s'accentue durant le Pliocène en provoquant l'assèchement et la pulvérisation des horizons supérieurs des sols. Dès le début de l'aridification au Pliocène moyen, une croûte calcaire se forme par la cristallisation rapide de la boue qui a été instantanément évacuée des zones karstifiées vers la plaine littorale de Jeffara. Ce transfert de calcaire dissous a été à l'origine de la généralisation d'une croûte calcaire résistante dans la Jeffara. Si sa présence dans la plaine est largement connue, il n'en va pas de même pour le plateau de Matmata où nous l'avons identifiée au fond d'une dépression karstique, ce qui ouvre la voie à de nouvelles interprétations géomorphologiques mais aussi tectoniques et incite à revoir l'attribution des limons éoliens de Matmata au Pléistocène supérieur. Plus tardivement, au Pliocène supérieur-Gélasien, on observe un soulèvement tectonique général de la chaîne du Dahar et des monts de Matmata, accompagné de l'effondrement de la plaine de Jeffara à partir de la faille de Medenine (NW-SE) qui prolonge vers l'est le grand accident tectonique de la faille de Gafsa. Les paléoformes karstiques se sont alors trouvées surélevées à plus de 500 m d'altitude mais demeurent cependant ouvertes sur la plaine de Jeffara à travers de vastes trouées. En conséquence, les dépressions karstiques de Matmata ont évolué en pièges à limons éoliens comblés par une déflation éolienne sur la plaine de Jeffara lors de l'aridification extrême du Pliocène supérieur-Gélasien. La reconstitution morphologique depuis le Messinien montre une succession d'événements de grande importance survenus au Pliocène mais qui ont fortement marqué le Quaternaire. Tout autorise à rejeter l'idée d'un apport des limons de Matmata venus de la région occidentale (erg oriental).

document thumbnail

Par les mêmes auteurs

Sur les mêmes sujets

Sur les mêmes disciplines

Exporter en