1996
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Pierre-Alain Muet, « Scénarios européens : rétrospective et prospective », Revue de l'OFCE, ID : 10.3406/ofce.1996.1429
L'histoire de cinquante ans de construction européenne oppose la méthode des petits pas ou de l'engrenage, initiée par Jean Monnet, qui permit que s'enclenche et se développe l'intégration européenne, aux initiatives politiques qui ont toutes échoué, depuis les ambitions fédéralistes du congrès de la Haye dans l'immédiat après-guerre, jusqu'aux différents projets de constitution élaborés par le Parlement européen, en passant par la Communauté européenne de défense au milieu des années cinquante. Pourtant les difficultés politiques surgies à l'occasion de la ratification du traité de Maastricht, l'élargissement à terme d'une Communauté initialement prévue pour six pays à l'ensemble du continent, et la complexité institutionnelle à laquelle a abouti une expérience d'intégration sans précédent dans l'histoire montrent que la construction européenne ne pourra sans doute pas se poursuivre sans que soient abordés les choix politiques si souvent esquivés. Comment adapter des institutions héritées de couches successives d'intégration oscillant entre des volontés politiques contradictoires, aux défis qui s'accumulent en cette fin de siècle : recomposition du continent après l'éclatement du bloc soviétique, élargissement de l'Union à une trentaine de pays, Union monétaire nécessairement restreinte dans une première phase... Jamais sans doute les échéances européennes ne semblent avoir été aussi contradictoires. L'architecture en piliers du traité de Maastricht illustre ce choix jamais tranché entre une confédération d'Etats nations que caractérise la démarche intergouvemementale, et l'approche fédérale qui était celle des fondateurs et que l'on retrouve implicitement dans l'Union économique et monétaire. La conférence intergouvernementale sur la réforme des institutions qui s'est ouverte en mars apportera-t-elle une solution à ces problèmes si la question fondamentale « Quelle Europe voulons-nous ? » reste omise parce que chacun sait bien qu'aujourd'hui la réponse divise profondément les Etats et les citoyens. La thèse défendue dans cet article est que ces divergences doivent être reconnues pour sauvegarder le processus d'intégration européenne. L'Europe à géométrie variable, ou plus exactement l'Europe à volontés politiques différenciées, qui en est la conséquence est la seule issue qui permette de poursuivre un processus d'intégration qui conditionne la survie économique de notre continent.