1994
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Jacques de Cauna, « La diaspora des colons de Saint-Domingue et le monde créole : le cas de la Jamaïque », Outre-Mers. Revue d'histoire, ID : 10.3406/outre.1994.3230
L'histoire de la diaspora des anciens colons de Saint-Domingue au lendemain de la Révolution reste à écrire. A la suite des études consacrées à leur présence à Cuba et aux Etats-Unis, quelques jalons peuvent être posés pour la Jamaïque où existait déjà une implantation ancienne de boucaniers retraités, d'exilés huguenots et de sépharades bordelais ou bayonnais de la « nation portugaise » sans commune mesure cependant, par ses effets, avec l'afflux massif que connaîtra l'île de 1791 à 1804, doublant la population blanche de la Jamaïque. Les arrivées, compliquées de retours temporaires et d'allées et venues constantes, se succéderont en quatre grandes phases marquées par l'évolution des troubles de Saint-Domingue : aux simples réfugiés des premiers temps viennent s'ajouter chronologiquement les déportés politiques, les émigrés royalistes, les prisonniers pris sur mer et surtout, en 1798, la grande vague des collaborateurs de l'occupation anglaise de Saint-Domingue qui ont suivi l'évacuation puis, en 1803-1804, les derniers rescapés et les vaincus de l'expédition Leclerc. L'accueil en Jamaïque de ce flot d'immigrants met d'abord en lumière les aspects conflictuels liés à une opposition historique traditionnelle des mentalités françaises et anglaises mais, bien vite, sous l'effet de la créolisation, l'intégration de la frange supérieure des nouveaux arrivants est parfaitement réalisée dans la plantocratie locale. Leurs activités se concentrent essentiellement dans le commerce à Kingston et dans les plantations caféières des paroisses environnants qu'ils revivifient. On leur doit également la renaissance de l'Église catholique en Jamaïque, qui restera longtemps le lien d'une communauté caractérisée par une forte endogamie. Il serait surtout intéressant d'évaluer précisément l'apport économique que constitua leur arrivée, à l'image de ce qui s'est passé à Cuba ou en Louisiane, et plus particulièrement dans leur domaine de prédilection de la production caféière.