1995
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Philippe Darriulat, « La gauche républicaine et la conquête de l'Algérie, de la prise d'Alger à la reddition d'Abd el-Kader (1830-1847) », Outre-Mers. Revue d'histoire, ID : 10.3406/outre.1995.3312
La période de la première colonisation de l'Algérie, celle qui s'ouvre avec la prise d'Alger le 5 juillet 1830 et se clôt avec la reddition d'Abd el-Kader le 23 décembre 1847, se confond presque parfaitement avec le règne de Louis Philippe. C'est aussi le moment où apparaît pour la première fois en France un Parti républicain distinct des autres partis. Les archives de presse (la Tribune, la Réforme, le Journal du Peuple, l'Intelligence, le Populaire) nous permettent d'étudier l'attitude de ces militants, et notamment des plus radicaux d'entre eux, vis-à-vis de la question coloniale. Très homogènes à ce sujet, les républicains manifestent tous, dès cette époque, un profond sentiment nationaliste qui les pousse non seulement à prôner une colonisation totale de l'Algérie, mais aussi son intégration à la France. Ils y voient en effet à la fois un moyen de « civiliser » des peuples jugés « barbares » et aussi d'assurer la domination française — la nation des « Lumières » — sur le monde et notamment par rapport à son principal concurrent : l'Angleterre, le pays capitaliste par excellence. Rêvant d'une organisation démocratique de la société coloniale dont pourraient « progressivement » bénéficier les « peuples autochtones », c'est au nom des valeurs de Révolution française que l'extrême gauche se fait alors l'avocat d'une Algérie française, conquise par tous les moyens, y compris la force. N'hésitant pas à accuser les libéraux au pouvoir (le « parti de l'étranger») de ne pas s'engager avec suffisamment de volonté dans cette aventure, ces militants en font une question de principe qu'ils lient étroitement à leur conception de la Nation.