1981
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Georges Roche, « Jung ou Freud ? », Recherches Germaniques (documents), ID : 10.3406/reger.1981.1020
Dans l'ère post-freudienne, Jung prend une importance croissante, mais ambiguë. S'il semble préfigurer l'anti-psychiatrie moderne (notamment par sa relative remise en cause de la normalité), il reste en fait tributaire d'un idéal de réinsertion sociale. Sa critique du réductionnisme freudien, juste dans ses principes, ne résiste pas à une analyse plus serrée de la véritable pratique freudienne. Sur le plan historique, Jung a critiqué le nazisme, mais à un niveau archétypal et irrationnel qui interdit en fait toute action politique : et ses affinités avec la Révolution Conservatrice manifestent une complicité indirecte - et certainement involontaire - envers l'hitlérisme qu'à l'évidence il méprisait pourtant. Enfin, sur le plan du symbolique, lorsque Jung s'efforce de retrouver les voies du sacré, il tend à réduire celui-ci à la catégorie du religieux ; il n'est donc guère fondé à reprocher à Freud L'Avenir d'une Illusion, la critique de la religion étant sans doute préférable pour la reconstitution du moi à la démission dogmatique. Les traits indiscutablement modernes du jungisme nous semblent donc, en dernière analyse, contribuer plutôt à une entreprise de désocialisation, de démobilisation narcissique, à l'opposé de la pensée de Freud qui, allant du singulier au singulier, évite le discours totalisant et reste par là active.