Dossier. Les déficits visuels

Résumé 0

La symbolique de la vision et de l’aveuglement imprègne si fortement le langage et les représentations qu’on ne peut aborder la cécité d’un regard neuf et naïf. Par exemple, l’allégorie de la caverne pose la vision comme métaphore du savoir dans le même temps où elle la dévalue comme tromperie par la fausse évidence du sensible. Dans le parcours du prisonnier s’évadant du théâtre d’ombres, l’aveuglement scande les deux moments de la boucle initiatique, celui qui marque la sortie vers la lumière et celui qui accompagne le retour dans la caverne. La métaphore de la cécité semble ainsi aider l’esprit à penser et à effectuer les renversements de perspective à partir desquels celui qui se révèle être aveugle n’est pas celui que l’on pensait. La question que l’on peut se poser est de savoir dans quelle mesure cette symbolique de la vision et de la cécité introduit à une compréhension du monde de l’aveugle, dans quelle mesure elle joue le rôle d’écran. La lecture de l’article de Serge Pᴏʀᴛᴀʟɪᴇʀ peut donner à entendre que l’alternative ne s’impose pas et qu’il s’agirait plutôt d’une question de tact et de style : en approchant la symbolique de la cécité de la même démarche tâtonnante que celle de l’aveugle, on pourrait lui restituer sa dimension d’ouverture. Quelle peut être la pensée de celui qui ne voit pas ? Cette interrogation parcourt l’histoire de la philosophie. Elle prend naissance assez souvent dans le désir de mieux comprendre comment s’élabore la cognition. Rationalistes et empiristes tentent de tester et de valider leurs hypothèses contradictoires : le monde intellectuel supposé de l’aveugle a donc été surtout utilisé à titre d’argument. Il devenait donc nécessaire de faire le point sur les recherches actuelles dans ce domaine afin de rencontrer l’univers des personnes présentant un déficit visuel dans sa diversité et dans sa spécificité, ce que proposent les articles de Serge Pᴏʀᴛᴀʟɪᴇʀ, de Sylvie Pᴇssᴏɴᴇᴀᴜx et de France Rɪᴄʜᴀʀᴅ. M. C.