20 mars 2023
Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/2534-7535
CC BY-NC-SA 4.0 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Ioannis Mitsios et al., « Aux frontières des espèces », Frontière-s, ID : 10.35562/frontieres.1569
Les mythologies grecque et romaine sont peuplées de créatures hybrides empruntant des caractéristiques physiques aux hommes et aux animaux, comme en témoignent les exemples connus du sphinx, du faune ou encore du Minotaure. Ces hybridations imaginaires transgressent la frontière perméable qui sépare les humains des animaux. Si l’affirmation de l’exceptionnalité humaine permet progressivement à la philosophie grecque d’élever et d’isoler l’être humain au sein du règne animal, il n’en demeure pas moins que la littérature, l’ethnographie et la zoologie antiques ont continué d’interroger la frontière interspécifique, non comme une dissociation radicale, mais comme une limite poreuse, une zone grise aux multiples gradients d’humanité et d’animalité, dont l’hybridité mythologique n’est que l’une des manifestations. Les croisements entre espèces animales, qu’ils soient réels ou imaginaires, dans les écrits historiques, littéraires et plus généralement dans le processus de création artistique, ont permis de réfléchir aux points d’intersection entre les espèces, qui ont fortement nourri l’art, les sciences et les mentalités anciennes. Par ailleurs, on sait que les phénomènes de transferts et de projections interspécifiques jouent un rôle important dans la construction des savoirs ethnographiques et zoologiques antiques. La caractérisation des animaux exotiques par des zoonymes composés (la girafe, camelopardalis : le « chameau-léopard ») en est l’un des exemples les plus connus. À l’inverse, la zoologie antique a facilement accepté, pour comprendre les comportements animaliers, de projeter sur eux une grille d’analyse anthropocentrique dans le domaine des sentiments exprimés, de l’intelligence, de l’organisation sociale et même des pratiques culturelles. Les contributions réunies dans ce huitième numéro de Frontière·s explorent ces différentes thématiques. Pour ce faire, les auteur·rice·s ont mené une analyse approfondie des enjeux soulevés par la perception des êtres hybrides, en adoptant une démarche diachronique (voir l’entretien avec Antoine Pierrot et la contribution de Jacqueline Leclercq-Marx). Puis, à travers des cas d’études, ce sont les tenants symboliques du message porté par l’hybridité qui ont été examinés, que ce soit dans les discours ou dans les représentations (Ioannis Mitsios et Raphaël Demès). Enfin, le dossier s’achève avec une étude approfondie des croyances qui attribuent aux animaux des pratiques semblables à celles des humains, à travers l’exemple de l’éléphant (Gilles Courtieu).