16 juillet 2020
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Jérôme Viala-Gaudefroy, « Neoliberal Metaphors in Presidential Discourse from Ronald Reagan to Donald Trump », Angles, ID : 10.4000/angles.625
Le néolibéralisme est un concept complexe et ambigu, auquel se sont constamment référés, au cours des dernières décennies, les critiques d’une politique économique promouvant, sur le plan rhétorique au moins, le marché et le libre-échange. Ces deux principes majeurs du néolibéralisme ont dominé le discours des présidents américains depuis les années 80. Cette même période a vu une tendance croissante à associer les politiques économiques à la liberté, une valeur au cœur de l’identité américaine qui a été finalement définie en termes économiques. C’est notamment avec Ronald Reagan que la liberté économique plutôt que la liberté politique est devenue systématiquement la mesure de la vertu. Ceci alors que le « monde libre » acceptait des régimes autoritaires dans ses rangs au nom de l’anticommunisme (Numberg 2003). L’effondrement du bloc soviétique n’a fait que renforcer l’idée que, seuls, le marché et le libre échange pouvaient conduire à la prospérité et à la liberté politique. Ce qui deviendra le point de vue dominant d’institutions internationales comme la Banque mondiale ou le FMI et allait davantage s’ancrer dans la rhétorique des présidents aussi bien républicains que démocrates (McNaught 2009). Cet article s’appuie sur l’approche cognitive développée par Lakoff et Johnson (1981), Chilton (2004) ainsi que Charteris-Black (2011). Il propose d’analyser comment, dans les discours présidentiels, les métaphores conceptuelles ont contribué à la création d’une vision mythifiée du libre-échange et du marché construite depuis le début des années 80. Ces métaphores du mouvement, du voyage, de la nature, de la machine et du sport font écho à la façon dont les Américains conçoivent et expérimentent leur identité nationale fondée sur les valeurs de liberté, de compétition et de progrès. Elles ont permis de transformer une philosophie économique abstraite en un récit compréhensible et sacré au cœur du modèle américain. Ce modèle d’expansion du marché et du libre-échange est omniprésent. Il a également envahi la politique intérieure, comme le montre l’analyse rhétorique des prises de position sur un sujet controversé comme la santé, formulées à l’aide d’un récit positif sur le marché. Alors que les effets suscités par les politiques menées ont occasionnellement semblé contredire la foi dans le marché, particulièrement à la suite de la crise économique et financière de 2008, la rhétorique présidentielle est restée la même. Or il s’avère que cette crise a, in fine, pu être un des déclencheurs des premières fissures dans la vision consensuelle du marché et du libre-échange dominant la politique américaine. Cet article démontre que le président Trump a largement perturbé le consensus rhétorique néolibéral en rejetant les accords de libre-échange et en ignorant complètement les vertus d’un marché complètement absent de son discours. Il a ainsi remplacé la doxa néolibérale par une rhétorique centrée sur le déficit commercial et l’accumulation à court terme de richesse et de puissance nationale. Il a fait de la souveraineté nationale la vertu cardinale et rejeté ce qu’il qualifie de « mondialisme ». Il offre une vision antagoniste d’un monde dans lequel le commerce international est conçu comme un jeu à somme nulle. Cette nouvelle vision se reflète dans les métaphores utilisées par un président qui a remis en cause la rhétorique présidentielle à plus d’un titre.