18 août 2022
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Félix Barancy et al., « Entre politique et philosophie : l’édition des philosophes « classiques » en France au XIXe siècle », Astérion, ID : 10.4000/asterion.7827
Nous travaillons chaque jour, pour la plupart d’entre nous, à lire des textes de philosophes du passé. Pourtant, parce qu’il est constamment sous nos yeux, nous nous focalisons rarement sur le médium éditorial qui permet cette lecture. Or, loin d’avoir ce statut de « degré zéro de la réception », inoffensif et impartial, qu’on a parfois voulu lui attribuer, le travail d’édition philosophique semble de part en part traversé d’enjeux tant politiques que philosophiques. C’est particulièrement le cas au XIXe siècle, au moment où se développe en France, sous l’égide de Victor Cousin, l’histoire de la philosophie comme discipline autonome. Éditer un texte est alors à la fois un moyen de réactiver des traditions légitimant sa propre philosophie, de se constituer des ancêtres ou des ennemis. Mais les éditions sont aussi un lieu privilégié pour développer sa propre philosophie, dans les notes et les préfaces, sous l’autorité illustre des classiques que l’on édite. Enfin, certains philosophes explicitent qu’un tel travail est en lui-même philosophique, dans la mesure où éditer est un acte dont on peut attendre des bénéfices philosophiques. Les six études de ce dossier rendent compte de la diversité des usages et des mérites philosophiques des éditions de philosophes au XIXe siècle en France, en se focalisant sur six « classiques » : Montesquieu, Pascal, Buffier, Spinoza, Reid et Leibniz. Reading past philosophers is an important part of the work of philosophers and historians of philosophy today. However, we seldom focus on the medium which makes this work possible: the editions of those past philosophers. Far from being the “degree zero of reception” as it is sometimes considered, editorial work has something to do with politics and philosophy. Such was notably the case for 19th century France, when history of philosophy became an autonomous discipline, on the authority of Victor Cousin. Editing past philosophers was then a way to legitimate one’s own philosophy. It helped to revitalise philosophical traditions and to identify ancestors or enemies to them. But editions of renowned philosophers were also seen as a privileged environment in which it was possible to develop one’s own philosophy, in the footnotes, prefaces, etc. Last but not least, some philosophers considered their editorial work as philosophical in itself. To them, editing was an act from which philosophical benefits could be derived. The six present studies account for the diversity of uses of philosophical editions in 19th century France. They focus on six “classics”: Montesquieu, Pascal, Buffier, Spinoza, Reid, and Leibniz.