8 février 2013
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Hugues Sachter, « La Bosnie-Herzégovine post-conflit. État(s) redistributeur(s) », Balkanologie, ID : 10.4000/balkanologie.2354
Dix sept ans après la sortie de conflit, alors que les dispositions consécutives aux accords de Dayton ont pacifié le pays par une décentralisation territoriale étendue, y compris en matière économique, la Bosnie Herzégovine a rattrapé son niveau de développement économique relatif du début des années 1990, ce qui la place néanmoins tout en bas de l’échelle européenne, en compagnie de la Macédoine et de l’Albanie. Au temps yougoslave, le dynamisme économique était mesuré, comparé à la pression démographique. L’émigration interne et externe évacuait une part des personnes qui seraient autrement restées sans emploi. On constate que la désindustrialisation postérieure à 1992 a surtout touché des activités politiques comme les armements, autrefois liés au non alignement, laissant en place des activités fondées historiquement sur les ressources naturelles, tandis que la tertiarisation marchande n’a pas eu d’effet moteur, et que la décentralisation liée au régime de Dayton (entités et cantons) na en rien réduit en rien l’emploi dans l’administration. Les basses performances de l’industrie sont compensées par un Etat, souvent actionnaire, qui laisse se reconstituer un régime d’illiquidité revenant aux pratiques socialistes de contrainte budgétaire molle, et ce malgré une législation alignée sur les standards internationaux, un régime monétaire strictement contrôlé et un monitoring international sévère sur les budgets.De fait, l’apparente récupération économique repose sur le cumul des chocs démographiques : la baisse de population répartit la richesse produite sur moins de têtes, et l’émigration solvabilise les populations (par les remises), mais aussi l’Etat (par la TVA sur les importations). Le niveau de consommation a considérablement cru par rapport au temps du régime socialiste, alors que la population au travail a diminué, et que les rémunérations sont loin de couvrir les dépenses des ménages. Il faut donc tenir compte des consommations en nature, du travail dissimulé, des remises de l’émigration, mais également de l’impact social des dépenses de l’Etat. Celui-ci contrôle assez largement les rémunérations dans les entreprises où il détient des participations, ainsi que dans le secteur non marchand, et maintient des aides sociales ciblées sur des clientèles sensibles.Or, l’État, ce sont avant tout les deux entités, Fédération de Bosnie-Herzégovine et République serbe. Les pratiques économiques publiques dans les deux entités sont très peu différenciées, et leurs performances économiques diffèrent peu. On peut donc en conclure que les Etats identitaires qui se sont constitués à la suite de Dayton se sont donné un objectif principal de redistribution. Cette dernière joue avec les règles économiques pour stabiliser l’emploi, et joue avec les sources budgétaires pour rendre solvable un large spectre de population.Fort opportunément pour les détenteurs du pouvoir, l’essence même des activités productives réside dans un patrimoine naturel. Il ne reste donc plus aux autorités qu’à rationaliser cette situation en déclarant que le pays est riche de sa nature. On retrouve alors la logique des États redistributeurs (en général dotés d’hydrocarbures ou de minerais à haute valeur). Or, fort opportunément, du côté de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, on dispose de la référence des États moyen-orientaux ou des républiques rentières d’Asie centrale, et du côté de la République serbe, de la Russie tout aussi rentière. Ce type de référence permet de satisfaire les aspirations identitaires, à rebours des idéaux du socialisme yougoslave qui voulait mettre l’enjeu productif au cœur de l’identité.