9 septembre 2022
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Henri Stern, « Max Weber chez les Sikhs », Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, ID : 10.4000/books.editionsehess.25643
Où Max Weber nous rappelle qu’en suivant l’enseignement de la lignée fondatrice des Dix Gurus, la secte des Sikhs a élaboré la façon la plus « vishnuitement » hindoue de se dire « non-hindou ».C’est dire que, des luttes « fratricides » entre fractions tribales (misls) du xviiiie siècle post-impérial au « royaume sikh » de Ranjit Singh ; du mouvement de réforme de la fin du xixe – parallèle à celui d’autres sectes hindoues et amorçant la participation à la lutte pour l’indépendance de l’Inde – aux confrontations et alliances – réussies ou manquées – de l’Union indienne (?) du grand ou petit Punjab, la recherche individuelle du salut dans le monde de la caste a pu « animer » de vigoureuses rivalités fraternellement lignagères – et néanmoins doctrinales et guerrières – tout en conduisant fort hiérarchiquement à l’affirmation de toutes les prétentions d’orthodoxie et de statut.C’est dire aussi que, comme tous les êtres humains (et sans doute mieux que la plupart des aspirants au « guidage » sociologique), les Sikhs savent – avec les habituelles « erreurs » de parcours – distinguer entre les divers intérêts qu’ils poursuivent : dans leur combinatoire d’une recherche de salut dans le monde et d’une affirmation hiérarchiquement égalitaire de statut, ils retrouvent la distinction familière à tous les Hindous d’une préoccupation pour l’ordre du monde (dharma) et d’une poursuite conflictuelle de la puissance sur gens et biens (artha). Ils ont su, et sauront sans doute encore, jouer ce jeu de la démocratie des factions et de la laïcité à la manière hindoue qui a permis le maintien d’une cohérence politique étonnante de l’Union, si l’on pense aux Empires du Mal ou du Milieu, qui craquent de toutes parts.Autrement dit, le phénomène sectaire, pas plus que la hiérarchie de la caste, ne mène à la confusion des genres. Et le national-hindouisme « nouveau » n’est pas nécessairement le dernier mot de l’effort humaniste dans le monde indien moderne, déjà manifesté dans les aspirations universalistes (et égalitairement nuancées) du gandhisme.