10 mai 2021
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/restrictedAccess
Nicolas Puig, « Chatila sous le son », Éditions de la Maison des sciences de l’homme, ID : 10.4000/books.editionsmsh.28925
Ce chapitre engage certaines questions centrales de l’histoire, de la mémoire et de la dynamique des appartenances des camps de réfugiés palestiniens au Liban à partir de la culture sonore des habitants. Que peuvent nous dire les contenus musicaux en particulier et l’environnement sonore en général, généré par le voisinage, les oiseaux ou les scooters qui circulent dans les ruelles étroites, de la vie dans l’un de ces camps, et du quotidien d’un groupe national placé depuis plus de 70 ans dans une marge citoyenne du monde ? Prenant l’exemple de Chatila à Beyrouth, trois dimensions de cette culture sonore sont abordées : les discours sur la communauté et ses espaces dans la production musicale (chanter le camp) ; les pratiques sonores à l’intérieur du camp (sonoriser le camp) et, enfin, la description de ce dernier et de ses environs par les habitants à partir de parcours sonores (écouter le camp). L’analyse prend d’abord appui sur les contenus des chansons pour décrire ce que la musique exprime de la vie dans les camps de réfugiés. Une deuxième exploration détaille les pratiques sonores ordinaires qui contribuent à établir la singularité de Chatila et des quartiers environnants comme la zone commerciale de Sabra. Dans un troisième temps, les perceptions des lieux par leurs habitants sont décrites à partir de la méthode des parcours sonores. Au final, il ressort que les pratiques sonores confèrent au camp de réfugiés, devenu avec le temps un quartier cosmopolite de la pauvreté, une identité spécifique, et contribue à l’établissement de familiarités avec les lieux tout en créant des frontières entre les groupes. Elles répondent à la nécessité pour tous les habitants d’agir sur et dans leur lieu de vie, depuis cette marge urbaine où ils se trouvent durablement « confinés ».