7 mars 2019
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Michel Chardon, « Evolution actuelle et récente des karsts de la Vanoise orientale », Presses Universitaires de Bordeaux, ID : 10.4000/books.pub.10958
Dans la haute vallée de l’Isère, la région de Tignes présente deux exemples de karsts de haute montagne. Le premier est le massif en partie englacé de la Grande Motte, façonné dans des calcaires. L’écoulement, sous-glaciaire et souterrain, se fait selon un réseau rayonnant depuis le glacier. Une cavité sous-glaciaire montre des écoulements abondants : sur la roche, l’érosion est forte, générant une surface d’abrasion et des enduits carbonatés de compression dans les creux. Les eaux sont très peu minéralisées et la corrosion est insignifiante au contact glace/roche (7 mm/ka). Des émergences mineures se situent près du départ du téléphérique à Val Claret. L’analyse des eaux venant du karst englacé et récemment déglacé montre une faible dissolution spécifique évaluée à 38 mm/ka entre base du glacier et émergences. Le second exemple est celui, autour de Tignes, des champs d’entonnoirs développés dans les affleurements de gypse triasique. Ces dolines sont d’autant plus vastes et profondes que la déglaciation est ancienne : 50-100 m à Tommeuses ou au Chardonnet libres de tout englacement depuis plus de 14 000 ans. L’observation des débits et l’analyse chimique des eaux des différentes émergences montrent que des écoulements souterrains importants, venus de la Grande Motte, se font vers les sources de la vallée de Tignes (Val Claret, Vallon du Creux, Touvière, Lacs...) la Gouille de Salin, et la Daille (commune de Val d’Isère) après avoir traversé la “nappe des gypses”. La vallée de Tignes-le-lac est un synclinal ou une fossé bourré de gypse, surcreusé par les glaciers quaternaires, remblayé par des alluvions et fermé par un verrou calcaire. Les sources de Tignes-Val Claret, en plus des apports de la Grande Motte, rassemblent les eaux des versants voisins, alimentent le lac et plus bas la Gouille de Salin. Celle-ci reçoit également les eaux des karsts calcaires et dolomitiques voisins. La Daille draine les eaux des karsts du gypse (Tommeuses) et sans doute du secteur du glacier et col de la Leisse. Son bassin hydrologique est indépendant de celui des émergences de Tignes. L’analyse des eaux démontre que l’érosion karstique entre 1800 et 2500 m, dans l’étage de la prairie d’altitude, est plus faible que sur les marges glaciaires (1500 mm/ka), s’établissant pour les karsts du gypse et roches associées entre 400 et 800 mm/ka selon l’importance des précipitations.