9 décembre 2020
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Alfredo Viggiano, « Passions déréglées », Presses universitaires de Provence, ID : 10.4000/books.pup.17757
La Cour de justice civile et criminelle du Département de l’Adriatique est le théâtre, entre mars et avril 1811, d’un procès dramatique. L’accusé est un jeune domestique de la noble Maison vénitienne des Gritti. Giovan Pietro Cotin, tel est son nom, natif de saint Domingue, a tué, durant la nuit qui précéda le jour de Noël en 1810, sa jeune maîtresse, elle aussi une « domestique » des Gritti, avec un coup de pistolet, et a essayé de se suicider, sans parvenir à ses fins. Le procès instruit contre un « noir » impliquera, de par sa nature sordide et raciale, émotionnellement, l’opinion publique locale. Princes du tribunal – parmi lesquels l’avocat défenseur Marco Piazza –, médecins de grande renommée – le docteur Francesco Aglietti, magistrats et procurateurs du tribunal vénitien appliqueront une grille de lecture raffinée à l’analyse du cas et à la recherche des motivations. Cette contribution est consacrée à ces herméneutiques différentes et divergentes, à leur dimension juridique et culturelle. Par la lecture de « récits de justice », représentés par des plaidoiries défensives (qui connaîtront aussi un destin imprimé heureux) et par les demandes de l’accusation, il sera possible de saisir non seulement le lien entre les habitudes ancestrales de Venise à rendre la justice et l’impact des nouveaux Codes napoléoniens, mais aussi les nouvelles représentations et idées traditionnelles de la « mélancolie » et de la « folie », de l’état de nature et des effets de la civilisation, de l’éros et de la discipline matrimoniale qui se trouvaient réunis à Venise au début du xixe siècle.