De la maîtrise de l’espace à la protection de la santé en Languedoc et en Provence (xvie – xviiie s.)

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15 janvier 2021

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Patrick Fournier, « De la maîtrise de l’espace à la protection de la santé en Languedoc et en Provence (xvie – xviiie s.) », Presses universitaires de Perpignan, ID : 10.4000/books.pupvd.11393


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Patrick FOURNIER étudie les progrès de la gestion sanitaire dans l’environnement urbain du Midi français, entre 1450 et 1850. Pour esquisser un bilan synthétique, il choisit de prendre ses exemples dans sept villes où la police de santé a déjà fait l’objet de recherches instructives : Aix-en-Provence, Avignon, Bordeaux, Carpentras, Nîmes, Marseille et Toulouse. Pour Avignon, pour Carpentras et pour le Comtat venaissin, Patrick FOURNIER se base sur ses propres travaux. Pour les autres villes-tests, il collecte des renseignements comparatifs dans les ouvrages des auteurs accomplis : Charles Carrière pour Marseille ; Laurent Coste pour Bordeaux ; Jean-Jacques Gloton pour Aix ; Jean-Luc Laffont pour Toulouse et Line Teisseyre-Salmann pour Nîmes. Patrick FOURNIER constate que l’expression de « santé publique » émerge à Carpentras en 1615, dans les archives de la police consulaire. A partir de 1673, le vocable commence à contaminer les délibérations du Conseil de Ville. Pour autant, les villes du Midi français sont réputées pour la force de leurs consulats ou de leurs échevinages. Elles sont aussi connues pour leur imprégnation par le droit romain. C’est pourquoi la pratique y a précédé la clarification du langage : dès le XIIIe siècle, les municipalités d’Avignon et de Montpellier instaurent un dispositif énergique, dans le but d’améliorer la propreté des rues. La première interdit les tuyaux et gouttières qui déversent des eaux troubles dans le passage. La deuxième salarie des prud’hommes qui luttent contre les salissures de voirie. Plus sensibles au discours médical sur la contagion et les miasmes, les élites urbaines des XVIIe et XVIIIe siècles se contentent donc de systématiser les procédures anciennes. L’activation des dispositifs traditionnels d’endiguement contre le mal est principalement commandée par les autorités municipales, lesquelles reflètent elles-mêmes l’aspiration à la propreté ordonnée, telle qu’elle peut motiver le patriciat urbain. Dans ce cadre, et dès le XVe siècle, les municipalités luttent sur deux fronts : d’abord le compartimentage face aux épidémies ; ensuite l’éradication des boues ou des eaux stagnantes. Face aux récurrences pesteuses qui secouent le Midi entre 1580 et 1680, les consuls instituent des passeports de santé, que les détenteurs doivent faire viser dans tous les lieux traversés. Les fraudeurs subissent des amendes et des interdictions prolongées de séjour. Les malades sont astreints à déclaration. Ils sont exposés à l’isolement dans leur maison ou au lazaret, le plus souvent jusqu’à ce que mort s’ensuive. Des règlements défendent aux habitants d’entreposer des déjections et des immondices devant leur maison. Au contraire, les riverains sont sommés d’enlever les boues devant leurs façades : ils doivent les sortir vers les champs de banlieue ou les confier à des éboueurs qui assurent le transport. Ces deux fronts d’intervention sont toutefois difficiles à matérialiser dans les faits. Après 1680, les quarantaines anti-contagieuses s’estompent dans le calendrier, tout en revêtant un nouveau tour architectural : les élites commencent à s’éloigner des bourbiers qu’occasionnent les artisans ou les cultivateurs logés en ville. À Marseille et à Aix, les notables emménagent dans de nouveaux quartiers, plus géométriques, mieux aérés et moins densément peuplés. A Carpentras, à Nîmes et à Toulouse, ils tendent à se concentrer près des nouvelles avenues bordées d’arbres, des promenades qui sont juste apposées contre le vieux tissu urbain. En raison de cette esquisse de ségrégation sociale, le compartimentage anti-contagieux est dédaigné par le XVIIIe siècle. Comme le confinement semble avoir circonscrit la peste marseillaise de 1720, il prend l’aspect d’une arme routinière et désuète. Pourtant, son application de 1720 a nécessité la coordination de tous les échelons d’autorité, et le redéploiement répété des lignes de défense. Plus désinvolte à l’égard des quarantaines, le XVIIIe siècle l’est encore vis-à-vis du balayage des boues. Les riverains aiment garder leurs immondices en façade, ou dans des flaques d’eau proches, car la proximité du tas d’ordures ajoute ses avantages à celui de la vente du fumier. Puisque des fractures géographiques commencent à disperser les vieux clans urbains, les autorités des Lumières font la part des lieux méphitiques : les quartiers à tonalité plus populaire jouissent d’une plus grande mansuétude, tandis que les lieux à la mode concentrent les foudres des capitaines de santé et de leurs adjoints. Pour autant, le bien commun et la santé publique n’ont pas perdu la partie. Vers 1750, lorsque le vieux substrat municipal trahit un fléchissement dans sa détermination juridique, les rouages de la monarchie administrative prennent le relais. Ils mettent en mouvement le Conseil du Roi, les intendants, les parlements d’Aix, Bordeaux ou Montpellier, les États de Languedoc et de Provence, la légation pontificale et les prélats administrateurs. À partir de 1776, cette coordination sanitaire est précipitée par les consignes de la Société royale de Médecine. Celle-ci encourage la centralisation des initiatives, tant il est vrai que le monopole pour la réception des navires à risque donne de bons résultats, à Marseille et à Toulon. En jouant sur cet acquis, la Société engage la cartographie des zones pathogènes. Contre la malaria, elle suggère un assèchement généralisé des mares et marais. Elle commande des études contre les boues de voirie, contre l’humidité des maisons, contre la nourriture avariée et contre les vêtements contaminants. Elle réclame des fontaines et des égouts pour faciliter le nettoyage. Autant de secteurs d’intervention qui seront plus tard repris avec succès, depuis le Premier Empire jusqu’à la Troisième République.

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