L’hospice des enfants trouvés à Perpignan au xixe siècle

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15 janvier 2021

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Myriam Tiouiri, « L’hospice des enfants trouvés à Perpignan au xixe siècle », Presses universitaires de Perpignan, ID : 10.4000/books.pupvd.11478


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Myriam TIOUIRI a amorcé ses recherches historiques aux Universités de Perpignan et de Montpellier III, sous la direction de Jean-Marcel Goger. En 1996, elle a soutenu une maîtrise très intuitive sur Les enfants trouvés, abandonnés et orphelins dans le département des Pyrénées-Orientales, de 1795 à 1904 (146 pages de texte, 27 pages d’annexes et d’appareil critique). Myriam TIOUIRI a complété son travail par un mémoire de D.E.A. sur La vie quotidienne des femmes dans la société rurale des Pyrénées-Orientales au XIXe siècle (86 pages de texte, 33 pages d’appareil critique). Dans la présente contribution, qui reprend les apports de sa maîtrise, Myriam TIOUIRI étudie plus spécialement les enfants abandonnés des Pyrénées-Orientales, à partir du moment où ils sont internés à l’Hospice de la Miséricorde. Le propos exclut par conséquent les enfants pauvres et en détresse, de même que les abandonnés qui sont placés en nourrice, le plus souvent à la campagne. Les orphelins sont pour leur part concernés s’ils sont admis à l’internat, ce qui n’est pas systématiquement le cas. Enfin, les lois interdisent d’accueillir les jeunes délaissés à la Miséricorde, si leur âge dépasse 12 ans au début du siècle, ou 16 ans aux approches de 1900. Pour les Pyrénées-Orientales, Myriam TIOUIRI explique le fort pourcentage d’enfants naturels et abandonnés par l’omniprésence de la pauvreté, par la natalité très élevée (presque 48 pour mille en 1801), par l’importance des garnisons stationnées à proximité de la frontière, par l’abondance des jeunes femmes misérables (couturières, domestiques, ouvrières, salariées agricoles). Au demeurant, en aval, les abandons majorent également la mortalité générale (30 pour mille en 1800, 27 pour mille en 1850). La réception des enfants abandonnés est rythmée par quatre lois nationales : celles de 1811, 1823, 1862 et 1904. Le décret de 1811 complète les règlements impériaux qui proscrivent la recherche en paternité. Il vise à détruire un usage courant sous l’Ancien Régime : abandonner son enfant, puis le reprendre en nourrice contre aide et rémunération. La virilité des lois napoléoniennes ayant accru les expositions de nouveaux-nés, la législation de 1811 s’efforce de réduire au maximum la définition légale de l’abandon. L’esprit du texte proscrit l’assistance complète pour les enfants miséreux, pour les orphelins, pour les victimes de négligences parentales. Pour cela, il généralise les « tours à nourrissons » aux portes des orphelinats, afin de matérialiser irrémédiablement le renoncement maternel. La loi de 1823 assouplit celle de 1811, en validant l’abandon lors des couches en institution hospitalière. L’élargissement admet aussi la renonciation sur procès-verbal de l’officier d’état civil. La loi de 1862 abolit l’usage du tour, en instituant des Bureaux d’Admission. La loi de 1904 humanise la réglementation : elle affirme des notions telles que l’enfance en détresse ou l’intérêt de l’enfant, au lieu de focaliser sur la dissuasion procédurière. Très culpabilisante pour les mères, la loi de 1811 pénalise indéniablement le quotidien des petits internés. À Perpignan, les pensionnaires logent longtemps dans les bâtiments que des âmes charitables ont ouvert à l’ombre de la cathédrale Saint-Jean en 1637. De 1686 à 1740, ces constructions ont d’ailleurs accueilli l’Hôpital général, les enfants côtoyant alors les mendiants et les grabataires. En 1740, l’hospice redevient un orphelinat, mais il reste trop exigu, d’autant que les enfants sont méthodiquement confinés, par sévérité disciplinaire et pour réduire les fugues. Il faut attendre 1869 pour que la Charité infantile soit déménagée au nord de l’Hôpital Saint-Jean, sur un promontoire arboré qui domine le Val de Têt. Le régime alimentaire des enfants est chichement mesuré. Il comporte essentiellement du pain, des féculents et des soupes huileuses. L’été, des légumes frais améliorent un peu l’ordinaire, mais la viande n’est guère servie que les jours de fête. Les rations sont minimes, mais elles augmentent légèrement pour les plus de huit ans qui aident le tailleur de l’établissement, ou pour les plus de seize ans qui travaillent chez les artisans de la ville. Pourtant, la « majoration professionnelle » des menus est souvent limitée à l’octroi d’une dosette de vin. Le nettoyage des dortoirs est scrupuleusement réglementé, mais il est surtout pratiqué l’été, pour chasser les punaises. Claquemurés la nuit, les enfants se soulagent sur place de leurs besoins naturels, les garçons dans un baquet commun, les filles dans des vases de nuit. La stricte séparation des sexes permet la compatibilité de cet usage avec la morale. La vidange est assurée par des corvées de pensionnaires. La toilette corporelle préoccupe peu les organisateurs de l’emploi du temps. Le linge est changé une fois par semaine, mais il n’existe que deux tenues : une pour l’été et une pour l’hiver. Les sorties de détente sont rares : elles escamotent le jeudi, et sont cantonnées sur le dimanche. L’assistance médicale est faible, car les médecins surveillent les enfants en extra, avec des rémunérations modestes. Les praticiens ont l’habitude de consulter à distance, d’après les rapports des surveillants ou des religieuses. Le plus souvent, les apothicaires font livrer les médicaments prescrits par des coursiers municipaux. Il faut la hausse progressive -mais lente- des honoraires, pour que les docteurs consentent enfin à visiter l’infirmerie. Finalement, en 1863, le docteur Passama songe à exercer plus assidûment sa charge. Découvrant une épidémie de tuberculose scrofuleuse, il planifie une excursion d’été tournante pour tous les pensionnaires, avec pour destination la plage de Canet. Demeure toutefois la question de l’école primaire. Traditionnellement, l’emploi du temps des pensionnaires concerne surtout la prière, l’obéissance et le travail. Seul le créneau de onze à douze heures est garanti à l’étude de tous. Après 1833 et l’adoption de la loi Guizot, l’instruction est graduellement améliorée. La scolarisation est pourtant freinée par les artisans et par les fermiers qui emploient les plus grands. L’équipe interne manifeste d’ailleurs assez peu d’empressement pour la culture générale. Sur ce terrain, la loi de 1904 prodigue réellement une bouffée d’oxygène. Enfin, il est impossible de terminer sans évoquer les punitions, qui brisent les réfractaires en dégradant leur santé. Les sanctions englobent en effet la privation de sortie, le régime au pain sec et à l’eau, ou le cachot d’isolement. Fréquemment, les repas sont remplacés par la pénitence à genoux au milieu du réfectoire, la répression conjuguant ainsi ses rigueurs avec celles de l’économat. Impressionnée par toute cette ambiance de brimades, Myriam TIOUIRI achève d’ailleurs sa maîtrise avec des accents qui rappellent le Surveiller et punir de Michel FOUCAULT (Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Histoires », 1975, 318 pages). Myriam TIOUIRI conclut en écrivant : « au XIXe siècle, les administrations successives s’ingénient à contenir l’enfance abandonnée dans les limites du décret de 1811, cela au point de conférer à la loi la rigidité d’une enceinte fortifiée. Formés à l’ancienne par les règlements du XIXe siècle, les inspecteurs de l’enfance assistée ne cessèrent pas de confondre le pouvoir de surveillance et la mission de protection ». (Myriam TIOUIRI, Maîtrise 1996, op. cit., p. 145).

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