Histoire d’adduction et de distribution d’eau à Carcassonne : aqueducs et fontaines

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15 janvier 2021

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Corinne Calvet, « Histoire d’adduction et de distribution d’eau à Carcassonne : aqueducs et fontaines », Presses universitaires de Perpignan, ID : 10.4000/books.pupvd.11508


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À Carcassonne, l’usage de capter de l’eau dans les collines environnantes pour l’amener à des fontaines de ville semble remonter à l’époque gallo-romaine. Pourtant, au Moyen Âge, la vieille cité fortifiée est fragilisée dans ses défenses par le manque chronique d’eau, un malaise qui est aggravé par les sécheresses estivales. Durant la guerre contre les Albigeois, ou pendant la Guerre de Cent-Ans, la garnison de Carcassonne est à chaque fois poussée à la reddition par la soif. Sur les hauteurs de la ville, dans la vieille Cité, le nombre de puits est réduit à quelques unités. La consommation d’eau est toutefois facilitée après 1247, date à laquelle Saint-Louis permet aux Carcassonnais de reconstruire sur les alluvions de la rive gauche de l’Aude. Très géométrique dans son quadrillage de rues, cette nouvelle agglomération forme la ville-basse. Dans ce secteur alluvial, la nappe phréatique est peu profonde. C’est pourquoi les habitants d’en-bas multiplient les initiatives pour trouver l’eau à portée de main et à bon compte : ils creusent des puits, aménagent des fontaines et confectionnent des citernes à eau de pluie. Les puits peuvent être publics, aux intersections. Ils sont aussi mitoyens, dans les cours et les jardins. Plusieurs revêtent un aspect privatif sur l’arrière des maisons ou à l’intérieur même des demeures. Enfin, le fait de puiser des compléments dans l’Aude est très fréquent. À partir de la ville-basse, la recherche d’astuces diverses pour multiplier les sources d’approvisionnement gagne les faubourgs de la Cité. Ensuite, le cœur de la Cité subit lui aussi une prospection accrue, malgré les difficultés de l’hydrologie naturelle en cet endroit : le centre fortifié comporte 17 puits en 1752, contre 3 en 1335. La multiplication des puits n’apporte cependant pas une solution optimale : l’eau des nappes est boueuse, elle est désagréable au goût, elle est difficile à digérer, elle est contaminée par tous les effluents nauséabonds que charrient les ruisseaux médians des rues. Dans la ville-basse, la nappe est brunâtre, car l’Aude est fort polluée par les villes et les localités de l’amont. En raison de ce tableau peu flatteur, l’imaginaire collectif se prend à rêver d’« eaux vives », c’est-à-dire d’eau de source captée sur les coteaux environnants, puis amenée par aqueduc jusqu’à la ville. Au Moyen Âge, il semble que quelques établissements religieux aient procédé à ce genre d’aménagement, pour leur usage communautaire et à des fins de charité. Dans ce cas néanmoins, les conduites n’ont jamais développé de très longues distances. Au XVIe siècle, le captage de l’eau de source gagne sans doute le domaine laïc. En 1561, l’eau de Roquecave arrive ainsi dans une fontaine qui orne la place de la ville-basse. Cette installation est encore améliorée en 1654. En 1676, comme le développement de l’industrie drapière accroît les besoins en eau, la municipalité décide d’exécuter un premier aménagement collectif. Il s’agit d’un captage dans l’Aude, l’eau étant puisée dans un canal latéral au fleuve, avant d’être stockée dans des bassins de filtrage et envoyée en ville-basse. A partir de là, les notables et les communautés charitables s’enorgueillissent de posséder une belle fontaine à leur coin de rue, matérialisant ainsi leur protection sur les populations des quartiers. En 1749, un vrai réseau collectif est esquissé en ville-basse, toujours à partir de l’Aude. La conception de ce programme revient à un ingénieur célèbre, Henri Pitot, directeur des Travaux publics du Languedoc, inventeur des arches de pont en anse de panier, auteur de ponts élégants dans l’Aude. Après Pitot, l’usage de l’eau à Carcassonne revêt une dimension vitruvienne, en multipliant les fontaines, en mêlant l’utilité, la nécessité et la volupté. Malgré la difficulté qui persiste pour envoyer l’eau dans la Cité, Carcassonne est considérée en 1865 comme la deuxième ville après Rome pour les volumes d’eau distribués par habitant. L’ouvrage du XVIIIe siècle demeure pourtant fragile : il est mal respecté par les usagers et les riverains, il filtre mal les impuretés, il est ravagé par les crues, il est engorgé de saletés par les étiages. Pour embaucher les chômeurs tout en favorisant le lavage des rues contre le choléra, le Second Empire accroît considérablement les prélèvements dans l’Aude. En 1871, une machine à vapeur élève l’eau d’un puits de rive droite vers la Cité. Malheureusement, en 1875, pour accroître le débit, la municipalité supprime le filtrage. Résultat, la diphtérie accable les buveurs d’eau distribuée, et la situation s’éternise jusqu’en 1920, date à laquelle l’eau du réseau est stérilisée par petites doses d’acide chlorhydrique. Jumelée depuis toujours avec l’imaginaire du paradis perdu, surtout dans les contrées sujettes à la sécheresse, l’abondance de l’eau rime dans les esprits avec la commodité et la parfaite santé. À preuve, le mythe de la Fontaine de Jouvence qui ponctue assidûment l’utopie courtoise ou renaissante. Aux Temps baroques, et à partir de l’Italie, les jeux d’eau manifestent grandement la munificence d’un prince : Richelieu lui-même se prête à la facétie dans ses jardins de Rueil. Il n’est pas étonnant qu’à partir de là, un désir d’eau disponible ait animé durablement des populations comme celle de Carcassonne. Pourtant, du rêve à la réalité, le chemin fut long : à peine initiée à l’époque de Lavoisier, l’analyse des polluants a peiné pour s’affirmer dans le concert des sciences, remisant le Miracle de l’Eau jusqu’en 1920.

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