À propos de quelques concepts relatifs à la ville dans l’Antiquité et à Rome en particulier

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15 janvier 2021

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Brice Gruet, « À propos de quelques concepts relatifs à la ville dans l’Antiquité et à Rome en particulier », Presses universitaires de Perpignan, ID : 10.4000/books.pupvd.11538


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Dans la présente synthèse, Brice GRUET confronte deux archétypes antinomiques d’agencements urbains : d’un côté, la ville régulière, aérée et réputée propre ; d’autre part l’agglomération tortueuse, sombre, classée malsaine par la médecine hippocratique. Brice GRUET choisit d’ancrer son analyse dans l’histoire de la voirie romaine, d’abord parce que Rome est la Ville éternelle, avec une fondation située vers 733 avant J.C. ; également parce que la rue constitue l’axe fédérateur de la société urbaine, même si le rêve urbanistique tend à la négliger avant 1430. De fait, l’imaginaire de la ville pensée à partir de la rue large et perspectivée ne naît qu’avec la peinture flamande ou italienne du Quattrocento. L’urbanisme basé sur la « veduta délia strada » n’émerge qu’avec la redécouverte renaissante de Vitruve, à travers des architectes scénographes comme Filippo Brunelleschi. Admirateur du peintre perspectiviste Tommaso Masacio, Brunelleschi entreprend vers 1430 de relier les monuments de Florence par une symétrie de rues aérées : il programme ainsi la « Citta nuova », la ville conçue comme un réseau théâtral, et non plus comme une juxtaposition de merveilles monumentales. Pour Brice GRUET, la rupture de 1430 n’est pas aussi spectaculaire qu’il n’y paraît. Le vocabulaire de l’urbanisme manie lui-même des catégories contradictoires qu’il réutilise, réinterprète ou remarie au gré des époques. Dans son raisonnement, Brice GRUET prolonge ainsi les enseignements d’Augustin BERQUE et d’Antoine PICON. Pour ces deux auteurs, le jugement paysager des architectes et des usagers forme d’abord une représentation, laquelle mêle des stimuli extérieurs et une culture personnelle. Cette dernière réinvestit fréquemment des concepts anciens, mais elle les emploie avec des connotations qui varient avec l’émotion du moment. Autrement dit, l’architecture fonctionne sur l’impression de « déjà vu », mais elle ne se baigne jamais deux fois dans la même rivière. Voilà pourquoi Brice GRUET se livre à une archéologie de la représentation urbaine. Il utilise la rue comme support privilégié parce que celle-ci reste longtemps à la périphérie de l’esthétique urbaine : le désordre des passions piège donc moins l’anthropologie des voies de circulation que celle des ensembles monumentaux. La réputation anodine et populaire de la rue permet d’examiner le fantasme citadin plus en profondeur, sans être sans cesse retenu par les polémiques de l’académisme architectural. Fort d’une telle problématique, Brice GRUET explique que l’opposition entre la cité aérée et la ville resserrée était présente dès l’origine de l’art urbain, mais qu’elle y est toujours prépondérante, au milieu des sentimentalités différentes. La ville au plan géométrique, avec des rues aérées où les zéphyrs chassent les miasmes, remonte d’après la tradition à la migration des Ioniens de Grèce vers l’Asie mineure, aux environs de 800 avant J.C. Ce déplacement aurait généré le type de la ville coloniale à trame orthogonale. La transformation aurait été formalisée vers 475 avant J.C., avec le modèle imaginé par Hippodamos de Milet. Influencé par le géomètre Thalès, Hippodamos aurait servi de référence aux théories d’Hippocrate et d’Aristote sur l’aération des rues droites, mais faiblement coudées pour freiner les mauvais courants d’air (vers 400 avant J.C. et 300 avant J.C.). L’hippodamisme aurait ensuite perduré à travers les villes fondées ou remaniées par les rois hellénistiques. Il serait ensuite parvenu aux agrimensores romains, via la transmission des Étrusques ou des Grecs du Sud italien. Ensuite, le christianisme aurait introduit un brouillage, en valorisant une autre tendance romaine : celle qui consistait à admirer un monument pris pour lui-même, cela en vénérant à la fois le mécène et le dieu tutélaire de l’ouvrage. Renforcée par la Rome impériale, cette attitude sélective aurait été encouragée par Constantin et par saint Augustin, les deux personnages ayant privilégié l’élévation de l’âme par les « manteaux d’églises » et ayant favorisé la Cité de Dieu par rapport à la commodité du citadin (vers 300 et vers 400 après J.C.). Par la suite, le schéma augustinien semble imprégner les villes médiévales ou baroques, le repérage spatial se focalisant en priorité sur les lieux de culte et sur les institutions religieuses. La Renaissance viendrait ensuite contester cette atomisation par le sacré, les Lumières et l’Haussmanisme redécouvrant pleinement l’urbanisme global, tel que pouvaient le souhaiter les architectes de Trajan (Traité des anciens maîtres de l’arpentage, vers 100 après J.C.). En réalité, Brice GRUET doute fortement de ce genre d’enchaînement logique. Il montre qu’Aristote lui-même hésite entre les vertus des rues droites ou sinueuses. Il explique que le plan hippodamien n’est régulier qu’en vue d’oiseau, mais qu’il est fantaisiste, difforme et foisonnant en perspective cavalière. Enfin, Brice GRUET peut facilement prouver que la ville de l’an 2000 oppose toujours des disciples d’Hippocrate – admirateurs du plan orthogonal et des adeptes de Celse -épicuriens désireux d’art de vivre et de recoins conviviaux. De fait, l’urbanisme industriel juxtapose deux idéalisations : celle du socialiste anglais John Ruskin, avec la ville aux cent villages ; et celle du Castillan Ildefonso Cerda, avec les agrandissements de Barcelone et la publication d’une Théorie générale de l’urbanisation (vers 1850 et 1865). L’héritage des cerdiens et des mskiniens traverse toujours l’urbanisme de l’horizon 2000, avec les néo-corbuséens qui aspirent à la fluidité par le tracé droit, et les post-modernes qui recherchent l’humanisation par les ralentisseurs sinusoïdaux. C’est la permanence de ces deux polarités qui incite Brice GRUET à redéfinir la valeur d’antinomies comme le droit et le courbe, le régulier et l’irrégulier, le clair et le sombre, le salubre et l’insalubre. Pour Brice GRUET, ces bi-valences doivent être sorties de la mythologie historique des architectes, pour être recomposées dans les aspirations de chaque époque étudiée.

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