26 novembre 2018
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Laura Naudeix, « Éléments d’une dramaturgie du merveilleux », Presses universitaires de Rouen et du Havre, ID : 10.4000/books.purh.10416
Dans les premières tragédies de sa carrière, Corneille trace les contours de ce qui va devenir un de ses principaux postulats poétiques : l’événement tragique est nécessairement porteur d’une dimension fondamentalement invraisemblable. Dans un premier temps, il apparaît que le dramaturge utilise le merveilleux précisément pour organiser un contexte favorable à la mise en place du geste sublime, en désignant la rupture de la vraisemblance, et par là-même en la préparant et en la rendant acceptable. Nous voulons en particulier étudier la composition et l’inscription dramaturgique de certains personnages féminins : Camille, Livie, Pauline, relues à partir d’une remarque postérieure du dramaturge sur Médée. Mais en utilisant ces personnages situés en marge de l’action héroïque, de l’aventure qui a partie liée avec l’extraordinaire (le parricide d’Horace, la clémence d’Auguste) voire le miracle (la conversion de Polyeucte), et surtout en exploitant délibérément un imaginaire commun qui lie ces personnages au merveilleux par le biais de leur adhésion à l’irrationnel, de leur croyance aux songes, Corneille explore aussi les limites de la croyance. Notre hypothèse serait qu’il la met en scène afin d’interroger la place même du spectateur : le dramaturge scrute les mécanismes de l’adhésion du spectateur, de tout spectateur – qu’il soit dans la fiction ou dans la salle – à une action, à un événement qui était le moins susceptible de la susciter.