Johann Heinrich Lambert, l’idée de l’architectonique comme philosophie première (Grundlehre)

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L’œuvre philosophique de Lambert a souvent été traitée comme un moment de l’histoire de la formation de la pensée kantienne et des antécédents de la Critique de la raison pure. C’est en méconnaître l’originalité. Les deux ouvrages à cet égard les plus importants, le Nouvel Organon (1764) et l’Architectonique (1771) ont été conçus originellement comme les parties complémentaires d’un même projet qui s’inscrit dans la longue histoire de l’union entre logique et métaphysique. L’architectonique est une doctrine des catégories : le recensement des notions ou concepts simples permettant de penser un objet quelconque réalise, en en déplaçant le champ d’application, la visée d’universalité qui définissait la métaphysique générale ou philosophie première dans les ontologies wolffiennes. Ce n’est plus une doctrine de l’étant comme tel, mais une anatomie de l’entendement inspirée par Locke. Cependant le traitement des concepts simples ainsi obtenus revient à la méthode mathématique suivant l’exemple de Wolff, corrigé par un retour au modèle euclidien : il s’agit, somme toute, de procéder pour chaque concept simple comme Euclide l’a fait pour l’un d’entre eux, celui de l’espace. L’architectonique peut ainsi, par l’établissement des combinaisons et dérivations de ces concepts, livrer le plan systématique du tout de la connaissance. Ainsi, la singularité de Lambert trouve mieux sa place dans la lignée qui va de la Science Générale leibnizienne à la Doctrine de la science (Wissenschaftslehre) de Bolzano ; et on peut y voir aussi, comme Cassirer l’a proposé, une préfiguration de la théorie de l’objet (Gegenstandstheorie) de Meinong.

Lambert’s philosophical work has often solely been regarded as a moment in the history of the constitution of Kant’s system and as a precedent to the Critique of pure reason. Unfortunately, such a judgement misconsiders its profound originality. The Nouvel Organon (1764) and the Architectonique (1771), which are both important works in this respect, have been originally conceived as complementary parts of a single project, which can be inscribed in the very long history of the union of logics and metaphysics. The architectonic is a doctrine of categories : the review of simple notions and concepts allowing to think any object in general rejoins the pretention to universality defining general metaphysics or primary philosophy in the Wolffian ontology, though it modifies its field of application. It is no longer a doctrine of being as such, but rather an anatomy of the understanding inspired by Locke. The treatment of simple concepts, however, can be regarded as an application of the mathematic method (following Wolff’s example), but corrected by a return to the Euclidian model. In short, it aims at treating every concept as Euclid did for one of them, i.e. space. By establishing combinations and derivations of these concepts, the Architectonic aims at delivering a systematic view of knowledge as a whole. Lambert’s originality can thus be better appreciated by replacing its thought in the lineage going from Leibniz’s General Science to Bolzano’s Doctrine of Science (Wissenschaftslehre). It could also be regarded following Cassirer’s proposal as a prefiguration of Meinong’s theory of the object (Gegendstandstheorie).