10 décembre 2021
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Claire Dumas, « L’enfermement, vu de l’intérieur (XXe siècle) », Criminocorpus, revue hypermédia, ID : 10.4000/criminocorpus.3735
La pratique d'enfermer les filles qui se faisaient un peu trop remarquer a longtemps prévalu dans toutes les couches de la société, depuis le XIXe siècle. Quelquefois, il suffisait qu'une enfant soit déclarée « pas sage » pour que ses parents décident de la placer au Bon Pasteur, maison de correction tenue par des religieuses cloîtrées. Trois femmes, Annie, Michelle, Solange, témoignent de leur adolescence brisée par leur mise à l’écart, imposée pour des raisons incomprises d'elles. C'était en 1929, 1955, 1967, aux Bon Pasteur de Bourges (Cher) et du Puy-en-Velay (Haute Loire). En outre, des familles catholiques ont respecté la tradition centenaire, perpétuée de mère en fille, de confier à des sœurs en couvents leurs fillettes impubères, dans le but principal que leur virginité soit préservée jusqu'au mariage. Annick témoigne de ses 4 années d’enfance douloureuse dans ce monde clos et coercitif, dans un monastère normand à Notre-Dame-d'Orbec (Calvados) à partir de 1945. Dans le secteur public, des essais d'écoles de préservation, aux buts identiques, furent tentés. L'histoire de Marguerite qui, placée jusqu'à majorité par un juge des enfants, s'est suicidée quelques mois avant sa sortie, signe la faillite de celle de Cadillac (Gironde), fermée d’autorité en 1951. Christiane, infirmière de 20 ans dans son premier poste au Bon Pasteur de Loos (Nord) en 1948, atteste l'aliénation, vécue y compris par les professionnelles, dans un enfermement en milieu exclusivement féminin où sont recluses des fillettes et des adolescentes très perturbées, totalement isolées de leurs familles. La condition de mère célibataire fut sanctionnée par le même type d'organisation répressive, comme le décrit Évelyne qui a vécu dans une maison maternelle laïque de Clermont Ferrand (Puy-de-Dôme) en 1967. Ce n'est qu'à partir des années 1970 qu'à l'avènement de la contraception liée à la révolution des mœurs, commença l'ébauche d'une éducation nouvelle pour les filles. À part celui de Marguerite, disparue à 20 ans, ces témoignages ont été recueillis par Claire Dumas, éducatrice et auteure du livre coécrit avec Françoise Tétard, historienne : Filles de Justice, du Bon Pasteur à l’Éducation surveillée, XIXe-XXe siècle, paru en 2009, aux éditions Beauchesne-ENPJJ.