15 juin 2012
Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/1272-9752
Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/1955-2424
All rights reserved , info:eu-repo/semantics/openAccess
Hélène Bellon-Méguelle, « Mourir de laide mort despite », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, ID : 10.4000/crm.11511
L’empoisonnement d’Alexandre, mort brutale et sournoise, est un élément indissociable de sa vita dans la littérature française et latine du Moyen Âge. Le conquérant est un héros ambivalent, le motif du poison dans les poèmes qui lui sont consacrés l’est également. La menace constante que constitue pour le personnage la rencontre de liquides délétères est une façon de dénoncer sa trop grande convoitise, vice comparé au venin dans les textes alexandrins. Le désir immodéré et toujours insatisfait du conquérant est métaphorisé par sa soif inextinguible. Alexandre est contraint d’errer dans les déserts d’Asie Mineure ou d’Inde à la recherche d’eau douce. Lorsqu’il approche du but, son attente est systématiquement déçue, l’eau qu’il trouve se révélant le plus souvent toxique. Mais le supplice d’Alexandre contraint de boire de l’eau amère est aussi comparable à la passion du Christ et identifie le héros antique aux guerriers épiques de la matière de France comme Roland ou Vivien. L’empoisonnement du héros peut aussi être perçu comme un élément valorisant de son existence. Cette mort annoncée donne à sa destinée une forte dimension tragique. Dans sa quête de domination absolue, Alexandre est entravée par les limites que lui impose son corps de mortel. Guerrier invincible, héros de l’illimité, Alexandre est aussi un personnage terriblement humain qui trouve dans la mort par poison le terme de son ambition, un héros métaphysique qui connaît l’heure de sa mort et qui en est maintes fois averti tout au long de son parcours.