30 novembre 2023
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Jean-Michel Ganteau, « King: A Street Story and the Ethics of Attention », Études britanniques contemporaines, ID : 10.4000/ebc.13994
Même s’il utilise le topos de la narration animale, King: A Street Story (1999) de John Berger, contrairement aux it-narratives et aux circulation narratives qui ont accompagné l’essor du roman et du capitalisme au xviiie siècle, ne rend certainement pas hommage au libéralisme contemporain. Au contraire, comme dans Anima (1012) de Wajdi Mouawad, le point de vue unique du narrateur non humain (à la différence des multiples narrateurs d’Anima) vise à rendre visibles des êtres invisibles et audibles des histoires inaudibles. Ce faisant, il s’occupe des personnes submergées et exclues des récits officiels de l’histoire. King, le narrateur à quatre pattes de Berger, est une figure d’attention. Son récit s’intéresse aux éléments invisibles de la vie ordinaire des personnages relégués, qui sont généralement invisibles pour les lecteurs ordinaires ou qui sont trop visibles pour qu’ils ne les remarquent. Le roman opère ainsi une défamiliarisation qui s’attaque aux perceptions des lecteurs, leur faisant prendre conscience que la perception n’est pas une catégorie naturelle, mais une capacité éthique et politique qui doit être éduquée et réarmée (Le Blanc). En plus d’être une figure de l’attention, le récit est aussi un opérateur de considération (Macé, Pelluchon) dans la mesure où l’humble position du chien, dans sa proximité avec le sol, permet l’émergence d’une perspective au ras du sol, car King ne regarde jamais rien ni personne de haut. Un tel dispositif permet à son tour une éthique de l’ordinaire qui aide à déterminer ce qui compte (par opposition à ce qui est bon ou mauvais) sans moraliser ni juger. En s’intéressant à des situations singulières et ordinaires, le récit déploie une éthique particulariste (Cavell, Diamond, Laugier) à travers laquelle il revient au narrateur et au lecteur de déterminer ce qui importe. Enfin, la figure du chien-narrateur nous rappelle que l’attention est la première composante du care, lui dont la fonction est de veiller et de protéger ses maîtres et amis vulnérables.