Le corps résiduel

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21 février 2024

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Félix Duque, « Le corps résiduel », Études de lettres, ID : 10.4000/edl.4124


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Selon Platon, le corps de l’homme est le « tombeau » de l’âme. L’âme appartient, par la pensée, à la réalité intelligible (les Idées), alors que le corps est une sorte de « reste » ou « résidu » qui empêche la pensée. La tradition biblique et ecclésiastique, selon laquelle le corps humain est fait de terre et de poussière, a contribué à la domination de cette doctrine « méta-physique ». La phénoménologie contemporaine a cependant reconnu que la chair est le siège de la sensation par laquelle l’homme se sent, tout comme il s’ouvre par elle au monde. J.-F. Lyotard réclame ainsi le « droit à la sensation pure », en s’opposant à la tradition de la métaphysique. Dans la mesure en effet où cette dernière a considéré l’intelligible comme la réalité proprement dite, elle a eu pour tâche de venir à bout du sensible. Elle a mis en œuvre deux procédés : 1. elle a soumis le sensible à la réalité intelligible en l’assimilant à celle-ci et en l’élevant au niveau suprasensible (procédé suivi surtout à l’époque ancienne et médiévale) ; 2. elle a cherché à vaincre le sensible à son propre niveau, en y descendant et en assimilant alors, au sein de la dimension sensible, le sensible à l’intelligible ; procédé incombant à l’esthétique comme exécutrice de la métaphysique aux temps modernes. L’esthétique parcourt alors, selon Kant, trois stades : 1. celui de la beauté, où elle réussit à conformer le sensible à l’intelligible par le libre jeu harmonieux entre sensibilité et entendement, soit par l’imagination qui reproduit le sensible par des images harmonieuses et belles ; 2. le stade du « sublime » (des Erhabenen), où la réalité sensible fait échouer, par sa démesure monstrueuse, l’entendement et l’imagination, tout en faisant surgir la Raison comme pouvoir au-delà du sensible ; 3. le stade du dégoût, où le sensible se refuse à être « recyclé » par les procédés précédents puisqu’il est le reste absolu, affaire de la pure sensation, reste qui, se révoltant, s’impose à nous par l’imagination, alors qu’en même temps nous le repoussons. Toutefois, l’art contemporain cherche à « recycler » précisément les résidus dégoûtants ; on peut y distinguer trois courants : 1. l’« écologie esthétique », qui s’efforce de récupérer esthétiquement les déchets industriels ; 2. l’« anesthésie hyperesthétique », qui cherche à neutraliser la sensation du dégoût en représentant les objets dégoûtants sur le mode d’une exactitude hyper-scientifique ; 3. la « trans-esthétique », qui présente les résidus dégoûtants par une esthétique « maudite » pour passer (« transiter ») à une autre expérience où ces résidus, cessant de nous repousser par la sensation de dégoût, nous font éprouver un sentiment de pietas nous rappellant notre finitude comme êtres mortels, issus de la terre.

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