5 décembre 2019
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Catherine Croizy-Naquet, « Les langues médiévales de l’histoire », Écrire l’histoire, ID : 10.4000/elh.1824
On connaît le clivage qui existe au Moyen Âge entre le latin, langue du savoir, et la langue vernaculaire, destinée aux illiterati, autrement dit à ceux qui ignorent le latin, les laïcs. Clivage, mais aussi lien de continuité. En ses origines, la langue vernaculaire se présente en effet comme la traduction des autorités latines considérées comme des sources historiques pour rapporter l’histoire ancienne et/ou antique. Les historiens sont d’abord et avant tout des translateurs, des adaptateurs qui ne se privent pas de détours interprétatifs et d’ajouts fictionnels au moyen de procédés qui s’épanouiront dans le champ romanesque. À partir du xive siècle, ils sont concurrencés par des traducteurs soucieux de la lettre latine et sensibles à l’altérité linguistique, comme Bersuire s’attelant à Tite-Live, avec une saisie nouvelle du passé romain. En parallèle, d’autres historiens adoptent spontanément le latin, tel Rigord retraçant le règne de Philippe Auguste, ou bien, au contraire, utilisent d’emblée la langue vernaculaire, comme les chroniqueurs de croisade ou les historiographes d’un règne.À quoi tient la partition latin/langue vernaculaire, doublée dans la seconde d’une partition vers/prose ? Elle dépend de la formation des historiens, professionnels ou non, commandités ou non, et du public à qui elle s’adresse, et répond dans tous les cas à la mission de dire le vrai qui est assignée à l’histoire et à sa vocation didactique et idéologique. Elle met au jour la conscience aiguë que les historiens ont, tout au long de la période médiévale, du choix de la langue et de la forme qui conditionnent à leurs yeux le sens de l’histoire qu’ils relatent. Tous ces aspects appellent l’attention : ils montrent qu’il n’y a pas une langue, mais des langues et des formes pour écrire l’histoire selon les périodes et les milieux, et que la poétique qu’elles inspirent induit et éclaire des démarches herméneutiques contrastées.