28 décembre 2018
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Guillaume Perrier et al., « Mémoire involontaire et détail mnémotechnique », Écrire l’histoire, ID : 10.4000/elh.937
Joseph Czapski (1896-1993), peintre et intellectuel polonais de premier plan, a publié dans Proust contre la déchéance (1987) le texte de conférences sur Proust prononcées en 1941 devant ses camarades prisonniers dans le camp soviétique de Griazowietz. Les notes manuscrites qu’il a prises à la même époque permettent de mieux comprendre commet il a pu se remémorer, sans le secours d’aucun livre, À la recherche du temps perdu, l’immense roman de Marcel Proust qu’il avait lu plusieurs années auparavant. Un détail en particulier, l’expression « cloison étanche », pourrait avoir été le déclencheur de la mémoire involontaire de Czapski (sur le modèle de la célèbre petite madeleine). Ce détail met en rapport l’univers du camp avec celui de Proust, qui est totalement opposé mais dont l’évocation a contribué à ce que les prisonniers surmontent l’anéantissement moral. Czapski a pu ainsi se remémorer le roman proustien, mais aussi inscrire durablement dans sa mémoire le souvenir de ses années de captivité et de ses camarades disparus pendant la guerre, victimes des massacres de Katyn. Il apparaît ainsi comme le précurseur d’un usage éthique et historiographique de la mémoire proustienne comme moyen de lutter contre les silences de la grande Histoire.