27 mars 2024
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Yoann Debuys, « Figure du martyr chez René Char », Elseneur, ID : 10.4000/elseneur.1773
La violence de la Première Guerre mondiale a engendré de nombreux questionnements et de nombreux changements littéraires et esthétiques. La poésie n’échappe pas à la règle. Elle s’éloigne de son modèle épique qui intègre le récit dans des poétiques reformulées. Cette réaction représente un déclassement de l’écriture poétique face à la violence du conflit. Elle forme une impasse qui amène à inventer de nouvelles voies illustrées par les avant-gardes dadaïstes ou surréalistes. Ces nouveaux modèles se définissent notamment par le retournement de la violence historique en une véhémence verbale qui s’appuie sur un fond sadien et relaie la laideur et le « mal » progressivement intégrés à l’écriture poétique depuis Baudelaire. Prise dans sa globalité, cette réponse est le signe d’un certain désarroi ou d’une difficulté à appréhender la violence moderne dont la guerre incarne l’acmé. En effet, le modèle surréaliste connaît également des limites. Son rapport à la violence est ambigu. Sa puissance et sa pertinence sont remises en cause. René Char reproche au mouvement son inefficacité. La question de la poursuite de l’engagement par l’écriture poétique alors que ses modèles sont soit périmés, soit insuffisants se pose par conséquent de manière aiguë. Char cherche de nouveaux modèles d’écriture. Il se tourne alors vers la figure du martyr et particulièrement d’enfants martyrs qui évoquent en filigrane l’épisode biblique du massacre des Innocents. Placard pour un chemin des écoliers et Dehors la nuit est gouvernée portent le témoignage de ce mouvement. Néanmoins, le modèle ne lui est pas propre. Il lui semble même imposé par l’année 1937 au cours de laquelle il rédige les poèmes du Placard en réponse à la violence de la guerre d’Espagne. Ce modèle, néanmoins, trouve rapidement ses limites. Dehors la nuit est gouvernée dépasse ces limites et devient une période de questionnements intenses sur les capacités de l’écriture poétique à répondre et à représenter la violence et la mort. L’étude de ces deux recueils permet alors de se demander dans quelle mesure Char, en revisitant la figure du martyr, cherche une écriture à même de répondre à la violence du conflit moderne auquel il prend part peu après.