15 septembre 2021
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Sylvie Clarimont, « Quand le débat public échoue à prévenir le conflit : retour sur la contestation d’un projet industriel de transition énergétique dans les Landes (France) », L’Espace Politique, ID : 10.4000/espacepolitique.9113
Les dispositifs participatifs dans le domaine de l’environnement et de l’aménagement tendent à se généraliser (Alban et al., 2005). En France, la participation habitante est encouragée par un important mouvement législatif à partir des années 1980-1990 qui a conduit à la mise en place de différents types de dispositifs de consultation de la population (Raymond, 2009), les uns pérennes, les autres plus ponctuels. L’action publique doit désormais intégrer la participation habitante. Ce développement de la démocratie participative fait cependant l’objet de nombreuses critiques. Certains y voient un risque d’affaiblissement de la démocratie représentative ; d’autres regrettent, au contraire, le manque d’ambition des processus participatifs qui aboutissent rarement à la co-décision et sont souvent inégalitaires. En France, le débat public a été institué par la Loi n° 95-101, du 2 février 1995, relative à la protection de l’environnement. Il a été mis en place pour trouver une solution au blocage de grands projets, notamment ferroviaires (Lolive, 1999), observé au début des années 1990 et dont les causes seraient un déficit d’information un manque de prise en compte des populations concernées (Dziedzicki, 2001). C’est un dispositif de consultation ouvert à tous les citoyens et prévu pour des projets d’aménagement à fort impact environnemental. Il vise à construire l’acceptabilité sociale d’un projet à partir de la confrontation de points de vue différents. Dans les faits, cette arène publique ne parvient pas toujours à construire le consensus. Quelle est la place accordée à la parole contestataire dans un dispositif participatif qui vise à éviter le conflit pour faire émerger un accord négocié sur un projet ? Quelle est la réalité de l’empowerment des citoyens dans le débat public ? L’article vise à répondre à ces questions en évaluant la qualité de la participation, dans le cas d’un débat public organisé en 2011-2012, dans le sud des Landes. Ce débat portait sur un projet industriel de stockage de gaz qui devait contribuer, selon le porteur de projet, à la transition énergétique. La méthode de recherche repose sur l’analyse d’un corpus textuel constitué par les verbatim des neuf réunions publiques organisées par la Commission locale chargée d’organiser le débat public (CPDP) et sur l’observation participante (puisque l’auteur a été membre de cette commission. Quelques résultats principaux peuvent être mis en avant : — Dans ce débat public, les possibilités d’expression des citoyens étaient très encadrées. — Pourtant, la participation citoyenne à ce débat public a été très importante. — Dans et aux marges du dispositif participatif, un mouvement structuré et argumenté d’opposition au projet s’est peu à peu mis en place. — L’apparition de ce conflit a des causes multiples et s’explique notamment par les spécificités du territoire du projet.— Les citoyens mobilisés contre le projet n’ont jamais boycotté ou empêché le débat public, mais ils l’ont détourné de son dessein originel pour en faire une tribune de la contestation.— Certaines recherches ont souligné l’instrumentalisation des citoyens mobilisés (Neveu, 2011) ou leur dépolitisation (Gourgues, 2018) dans le débat public, c’est le contraire qui a été observé dans le cas étudié.