13 mai 2022
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Claire Audhuy, « Du langage des hommes « normaux » », Horizons/Théâtre, ID : 10.4000/ht.3323
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les déportés des camps nazis choisirent clandestinement le théâtre comme outil de résistance et de lutte, pour tenter de préserver une humanité, et de retrouver une dignité que les nazis avaient voulu leur enlever. À l’insu de leurs gardiens, les internés prirent le risque de se décentrer de leur quotidien à travers des pièces nées de leur imaginaire. Sans livre, ni table ou papier, ils s’improvisèrent auteurs et puisèrent dans leurs souvenirs personnels. L’exemple de Germaine Tillion, ethnologue résistante, déportée à Ravensbrück, qui écrira une opérette composée, est riche de réécritures et fait revivre tout un patrimoine menacé. Interdits, mis à l’écart, ces NN (Nacht und Nebel) devaient disparaître en silence dans la nuit concentrationnaire. Acte de résistance donc, Germaine Tillion va convier au camp des souvenirs littéraires, des réclames publicitaires, des chansons enfantines, afin d’analyser les rouages du système nazi et de permettre à ses camarades de rire d’elles-mêmes. Entreprise dangereuse et officieuse, l’écriture de cette revue devait permettre à une communauté de femmes de se raconter leur propre histoire, bien difficile à comprendre et à vivre. Au-delà du simple exercice de style ou de l’emprunt-plagiat, cette démarche pose aussi la question de l’indicible, de la mort du langage, et de la sauvegarde d’une identité en sursis.