Une dispute pour héritage

Résumé Fr En

Dès la seconde moitié du xixe siècle, la problématique de la nature réelle des archives va progressivement monopoliser les discussions au sein de l’archivistique. Originellement perçues par les tenants d’une archivistique positiviste comme le reflet exact des activités d’un producteur, les archives sont peu à peu pensées par les archivistes postmodernistes comme des objets sociaux et sociétaux incarnant en premier lieu la représentation que le producteur et la société ont des activités accomplies. Dernièrement, un nouveau courant de pensée né au Québec (Canada), fondant une grande partie de ses réflexions sur l’étude d’œuvres d’art contemporaines, estime que la nature des archives ne se réduit pas à leur capacité à témoigner des activités d’un producteur, mais qu’elle s’inscrit dans le fait que les archives sont à la fois des objets physiques et construits intellectuellement. L’exploitation des archives se définit alors comme une rencontre effectuée entre un individu, ses connaissances, sa culture, son passé et un document, sa matérialité, son contenu et son historique dans un contexte donné. Cet écrit présente sous une forme dialogique une historiographie de l’archivistique contemporaine fondée sur les notions d’archives et de fonds. Il s’agit alors d’incarner une dispute qui secoue encore la discipline et qui va profondément marquer notre manière de penser les archives.

During the second half of the nineteenth century, the question of the actual nature of archives began progressively to monopolise discussions within the archive community. Originally seen, by the supporters of the notion of positivist archive systems, as the exact reflection of the activities of the producers of the archives, these archives gradually came to be seen by postmodern thinkers as social and societal objects which, first and foremost, embody the representations that the archive producer and society have about their past activities. More recently, another line of thinking, coming from Quebec and based to a great extent on reflections about contemporary art, considers that the nature of archives does not lie in their capacity to bear witness to the activities of the producers, but that they should be seen at one and the same time as physical objects and objects that are intellectually constructed. The exploitation of the archive is to be seen then as the meeting, in a given context, between an individual with his or her knowledge, culture and past, and a document, its materiality, its contents and its history, In the form of a dialogue, this article presents the historiography of contemporary archivistics, based on notions of archives and record collections (fonds). In this way a dispute which still divides the discipline can be embodied, a dispute which will have profound effects on our ways of thinking about archives.