19 janvier 2012
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Brigitte Foulon, « L’impact de la fitna chez les lettrés andalous », Médiévales, ID : 10.4000/medievales.6210
L’analyse des œuvres littéraires produites en al-Andalus durant la fitna nous livre un témoignage primordial sur la crise du califat. Celle-ci désagrégea en effet brutalement un système qui exigeait des poètes qu’ils se tiennent au plus près du centre du pouvoir, et les jeta dans la plus grande précarité. Intermède douloureux, elle contient déjà néanmoins en germe le système décentralisé des Taïfas qui allait assurer à la poésie un nouvel âge d’or. La littérature andalouse, bien plus qu’on ne l’a dit, colle à son contexte, et les textes du début du xie siècle résonnent du martèlement obsédant des motifs liés au départ et à l’exil. Pour autant, l’encodage rigoureux de la poésie en arabe classique ne laisse aux poètes qu’une marge de manœuvre très étroite, tant pour l’expression de leurs angoisses personnelles que pour l’évocation des crises collectives. Nous tenterons dans cette étude de déchiffrer l’écho de la fitna dans ces œuvres, et de comprendre comment leurs auteurs s’y prennent pour puiser dans la tradition poétique les matériaux susceptibles de rendre compte de leur expérience. Nous nous attacherons en particulier aux témoignages laissés par Ibn Darrāğ al-Qasṭallī, (958/347 h. – 1030/421 h.) et Ibn Šuhayd (992/382 h. – 1035/426 h.), qui procédèrent à une réactivation et à une instrumentalisation de deux thèmes majeurs de l’ode classique arabe : – le raḥīl, ou thème du voyage, pour le premier, qui réussit par ce biais à infléchir le panégyrique, genre traditionnel s’il en est, de manière à en faire le réceptacle de ses émotions ; – la thématique des vestiges de campements (aṭlāl), pour le second, qui ne trouva pas de moule plus efficace, pour couler ces mêmes émotions, que celui offert par les représentations bédouines. Ces thèmes et motifs acquirent, dans ce contexte, de nouvelles valeurs. Naturalisés, adaptés au contexte andalou, ils furent souvent en charge de traduire en mots les événements dysphoriques, dont la fitna est sans aucun doute l’exemple le plus représentatif.