30 novembre 2021
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Romain Bertrand, « Une question allemande. Europe et philosophie chez Lacoue-Labarthe », Noesis, ID : 10.4000/noesis.4119
Loin de se cantonner à être un simple concept géographique, la notion d’Europe est également un concept spirituel, qui lie son destin au développement de la philosophie. Si elle semble être le symbole d’un élargissement intellectuel et politique, apte à construire une logique commune à différents États, elle n’en est pas moins elle-même le produit intellectuel d’une certaine configuration nationale. L’œuvre de Lacoue-Labarthe propose ainsi une étude du contexte allemand de production d’une certaine idée de l’Europe, essentiellement dans les textes de la tradition conservatrice. Ainsi la « détresse allemande » (die deutsche Not), dépeinte notamment par Hölderlin et Nietzsche, constitue le terreau idéel d’une compréhension d’une identité allemande à conquérir au moyen de l’imitation des Anciens, et bien plus encore de la Grèce. Dans la tradition théorique étudiée par Lacoue-Labarthe, l’Occident serait alors le nom que prend cette filiation spirituelle entre Athènes et Berlin, et l’Europe le nom d’un projet : celui d’une homogénéisation forcenée, sous bannière allemande, d’une hypothétique communauté spirituelle. Mais loin de se limiter à ce seul contexte allemand d’émergence d’une certaine idée de l’Europe, c’est la nature hégémonique et impérialiste d’une telle notion qu’il est possible de faire surgir. L’essence spirituelle de l’Europe que met en évidence Lacoue-Labarthe, tout à la fois philosophique et religieuse, dévoile alors dans Auschwitz le tragique d’une telle condition.