23 avril 2009
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Illuminada Ortega et al., « L’occupation de l’Aurignacien Ancien De Barbas III (Creysse, Dordogne) », Paléo, ID : 10.4000/paleo.183
Le présent article a comme objectif de définir, à partir des premiers résultats obtenus par le croisement des données technologiques, fonctionnelles et spatiales, le statut techno-économique de l’occupation de plein air aurignacien ancien de Barbas III.Le site de Barbas III est localisé sur la commune de Creysse, sur la rive gauche de la Dordogne. La stratigraphie comprend un niveau Moustérien de Tradition Acheuléenne daté de 38 300 ± 500 B.P. et 43 500 ± 2 200 B.P. (Boëda et al. 1996), un niveau Châtelperronien et un niveau Aurignacien ancien. C’est sur cette dernière occupation que nous avons axé notre étude.Les matières premières utilisées durant l’occupation aurignacienne sont de trois types :roches sédimentaires (silex, silex calcédonieux, calcaire), roches cristallines (quartz) et roches métamorphiques (dolérite, grès, basalte et stéatite). Parmi les roches sédimentaires, trois types de roches siliceuses, le silex du Bergeracois, le silex dit “ du Sénonien ” et le silex calcédonieux, ont été déterminés ; seul un pourcentage très faible (inférieur à 0,2 %) demeure sans détermination (origine incertaine).Le silex du Bergeracois constitue la matière quasi exclusivement exploitée (Ž 98 %). Aux alentours de l’occupation, les argiles maestrichtiennes contenant les blocs de silex, devaient très certainement affleurer et constituer un lieu d’approvisionnement privilégié. Sur ces affleurements les blocs de silex introduits (bruts et/ou testés) ont fait l’objet d’une sélection raisonnée.A chaque gabarit de blocs de silex introduits dans l’occupation, correspond une chaîne opératoire laminaire dissociée. Chacune d’elles est orientée vers l’obtention de produits spécifiques, que ce soit pour la production des très grandes lames rectilignes (27 x 6 x 2,2 cm en moyenne) que celles de modules inférieurs plus graciles et de profil plus courbe (de 8 à 16 cm de longueur). Les variables dimensionnelles des objectifs et une réduction prononcée et volontaire des étapes de mise en forme des volumes laminaires guident incontestablement le choix lors de l’approvisionnement.Deux chaînes opératoires lamellaires complètent les productions laminaires. La première, orientée vers l’obtention de lamelles droites, est obtenue à partir de nucléus sur éclat ou sur fragment de bloc. La seconde permet d’obtenir de petites lamelles courbes à partir des nucleus type “ grattoirs carénés ”. Enfin, une production d’éclats est présente.L’outillage retouché est peu représenté (inférieur à 5 %). Les outils sont néanmoins typiques du faciès ancien de l’Aurignacien :lames à retouche aurignacienne, lames étranglées, grattoirs carénés, complétés par quelques rares burins, des grattoirs simples mais surtout par une gamme d’outils dits “ du fond commun moustérien ” (encoches, denticulés, racloirs ainsi qu’une pièce façonnée).L’analyse fonctionnelle réalisée sur une partie de ces objets confirme l’implication de ces outils retouchés tout comme certains supports bruts au sein de chaînes opératoires de transformation de matières d’œuvre variées. Cette étude fonctionnelle, réalisée sur un échantillon de 44 pièces lithiques, est représentative de l’ensemble des schémas opératoires laminaires et lamellaires. Elle illustre la particularité de cette occupation par la pratique d’activités liées au travail de la peau et des matières osseuses (os et bois animal). Ces travaux qui montrent l’importance des activités artisanales autres que la fabrication des supports lithiques au sein de cette occupation.Parmi le travail de la peau, celui de la peau sèche apparaît le plus abondant, bien que l’ensemble de la chaîne opératoire de traitement de ce matériau semble représentée sur le gisement jusqu’à l’adoucissement, la confection et l’exécution des produits en cuir. Pour certaines phases de traitement, assouplissement et conservation, l’utilisation de poudre d’ocre obtenue sur place est attestée.La fabrication et l’entretien d’objets en bois végétal ou en matières osseuses (bois animal et os) sont également bien représentés. Le travail y est assez diversifié et complexe (coupe, rainurage et raclage) illustrant des intensités de travail différentes selon l’extension de la zone active. Pour l’outillage osseux, l’ensemble de la chaîne opératoire est plus ou moins complète depuis des tâches initiales d’obtention des supports jusqu’aux activités de finition en passant par la maintenance des objets. La boucherie, sous-représentée pour des raisons de conservation, est cependant observable sur quelques pièces entrées en contact avec l’os.L’organisation au sol des vestiges montre que les différentes activités, de taille ou autres, se trouvent bien délimitées dans l’espace sous forme de concentrations ou d’aires plus ou moins lâches.Même si leur sub-contemporanéité n’a pas été systématiquement confirmée par des remontages, cet agencement spatial, mettant en parallèle des zones de production et des zones d’utilisation parfois clairement dissociées, laisse entrevoir une organisation sociale structurée des aurignaciens de Barbas III.L’évaluation des activités réalisées sur ce gisement traduit une panoplie très diversifiée des tâches :production, travail de la peau, de l’os, du bois animal et végétal, évidences de boucherie et présence d’armes de chasse. Même si cette occupation correspond à plusieurs séjours, elle se présente comme une implantation d’assez longue durée sans que l’on puisse faire émerger un domaine d’activité en particulier. Ces données s’opposent à l’idée d’une attribution, trop souvent hâtive, des occupations aurignaciennes du Bergeracois à des ateliers de fabrication de supports lithiques voués essentiellement à l’exportation.Le niveau aurignacien ancien de Barbas III serait une occupation complexe intégrant un grand nombre d’activités d’ordre domestique nécessaires au maintien d’un groupe, ce qui définit habituellement un habitat. Celui-ci de par son ampleur (estimé à plus de 4 000 m 2) et son organisation socio-économique devait occuper un statut important et particulier au sein du territoire bergeracois riche en implantations de l’Aurignacien ancien.