Le diable et les prolétaires. Le travail dans les mines de Potosi, Bolivie

Résumé Fr En

Pour les mineurs de Potosi, l’extraction minière est plus que la conquête de la richesse du sous-sol par l’effort et le savoir-faire humain. Intrusion dans un univers souterrain conceptualisé comme la demeure des ancêtres, des diables et des forces sauvages, il constitue une activité ritualisée qui tient à la fois du pèlerinage et du parcours initiatique : l’apprentissage et l’exercice du métier sont conditionnés par l’intrusion de la divinité diabolique du minerai dans le corps des mineurs. En abordant le travail de la mine sous l’angle d’une expérience du corps, cet article se propose d’explorer les fondements intimes de l’identité professionnelle des mineurs ainsi que l’imaginaire qui a accompagné et soutenu, dans les Andes, l’émergence historique des travailleurs des mines comme catégorie sociale distincte de la paysannerie.

For miners in Potosi, Bolivia, mining is more than a victory for acquiring underground wealth thanks to hard work and human know-how. This intrusion into an underworld understood to be the dwelling-place of ancestors, devils and wild forces is a ritualized activity, both a pilgrimage and an initiation. Learning the job and doing the work are conditioned by the diabolic divinity of the mineral world indwelling the miners’ bodies. Mine work is examined from the angle of workers, bodily experiences so as to explore both the quite intimate grounds of the occupational identity of miners and the imagery that, in the Andes, emerged with miners as a social category distinct from the peasantry.