Les aventures de Sylvain et Sylvette de Cuvillier (1941-1956) : entre mythe et histoire, un art de la simplicité

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La série des Aventures de Sylvain et Sylvette, créée par Maurice Cuvillier (1897-1957) en 1941, a dépassé les quatre-vingts ans d’existence. Cette bande dessinée diffusée d’abord dans la presse a été déclinée dans un grand nombre d’albums (295 titres, plus de vingt millions d’exemplaires vendus). Pour toutes ces raisons, elle méritait d’être enfin prise en compte dans l’histoire de la littérature pour la jeunesse. Mais une autre raison s’ajoute à celles-ci : l’intérêt de cette série, moins simple qu’il n’y paraît. Elle présente deux enfants perdus dans les bois, un frère et une sœur, qui y vivraient heureux dans leur chaumière en compagnie de quelques animaux apprivoisés s’ils n’étaient pas harcelés par un groupe d’animaux sauvages, les compères. Ceux-ci (loup, renard, etc.) rapprochent la série du conte et de la fable, tandis que l’isolement des héros l’associe à la robinsonnade. L’intemporalité du conte est brouillée par des ancrages dans la modernité. La visée éducative y est forte, tant à travers la présentation des comportements des enfants entre eux, des animaux les uns vis-à-vis des autres, que des enfants face aux animaux qui sont placés en situation d’enfance. La question du langage partagé ou non entre enfants et animaux est très intéressante et montre que les animaux ennemis pourraient être une métaphore du monde adulte et de ses dangers. Série traversée par de nombreux phénomènes d’intertextualité et de décrochages temporels, elle met en œuvre un art de la simplicité, proposant à son public une éducation à la lecture dans un cadre fixe et rassurant.

Les aventures de Sylvain et Sylvette, a series created by Maurice Cuvillier (1897-1957) in 1941, has now been running for more than eighty years. This comic strip series first appeared in the press and was later published in a long series of picturebooks, for a total of 295 titles and more than twenty million copies sold. It deserves to be considered in the history of children’s literature for these reasons. But there is an additional reason: the series is less simple than it appears. It depicts two children lost in the woods, a brother and sister. They would have a happy life in their thatched cottage, together with some tame animals, if they were not being harassed by a group of wild animals, the “old pals”. The group’s members (a wolf, a fox, etc.) link the series to the fairy tale and the fable, while the heroes’ isolation draws it close to the robinsonade. The timelessness associated with fairy tales is blurred by references to modern life. There is a strong educational intent, both in the presentation of the children’s behaviour among themselves, the animals’ behaviour among themselves and that of the children towards the animals, who are treated as if they were children. The question of language being shared or not between children and animals is highly interesting, showing that the hostile animals could be a metaphor for the adult world and its dangers. The series is traversed by many examples of intertextuality and of changing timeframes, yet exploits an art of simplicity, teaching its public to read in a stable and reassuring framework.