14 mai 2019
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Isabel Yaya McKenzie, « L’apocalypse renversée », Terrain, ID : 10.4000/terrain.18298
Une trentaine d’années après l’invasion espagnole de l’Empire inca (1532), un culte de possession commence à se diffuser parmi certaines populations autochtones des hauts plateaux d’Amérique du Sud. Ce mouvement appelé taki unquy, littéralement la « maladie de la danse », émerge en réponse aux terribles bouleversements provoqués par la conquête : exploitations, violences, spoliations, maladies et déplacements massifs de population. Dans la région de Huamanga (Pérou) apparaît alors un phénomène de possession dont les adeptes prophétisent la destruction imminente du monde instauré par les colons. Au cours de séances collectives, ils affirment que les villes construites par les Espagnols, leurs bétails, leur culture et leurs objets usuels seront engloutis par un cataclysme. Cette montée des eaux détruira toute trace de présence étrangère sur les terres amérindiennes et entraînera le rétablissement de l’ordre social antérieur. Le dieu des chrétiens sera ainsi vaincu par les ancêtres locaux venus reconquérir leur royaume usurpé. Cet épisode nous est connu grâce à quelques rares documents espagnols qui révèlent les biais culturels et les intérêts des observateurs coloniaux face au phénomène. Nous présentons ici la traduction inédite de l’un d’eux, le récit d’un homme d’Église alors « prêcheur en chef » des Indiens de Cuzco, Cristóbal de Molina. Son rapport retranscrit le témoignage d’un prêtre de la région de Huamanga qui offre des matériaux historiques et ethnographiques précieux sur l’imaginaire sous-jacent à ce mouvement de contestation.