Contextualiser pour faciliter l’accès au sens : focus sur l’enseignement du lexique en FLM, FLS et FLE

Fiche du document

Date

27 janvier 2023

Discipline
Type de document
Périmètre
Langue
Identifiant
Relations

Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/2264-7082

Organisation

OpenEdition

Licences

https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ , info:eu-repo/semantics/openAccess




Citer ce document

Catherine David et al., « Contextualiser pour faciliter l’accès au sens : focus sur l’enseignement du lexique en FLM, FLS et FLE », TIPA. Travaux interdisciplinaires sur la parole et le langage, ID : 10.4000/tipa.5022


Métriques


Partage / Export

Résumé Fr En

Dans cet article, notre objectif est de faire état des tendances actuelles en didactique du lexique, et de rendre compte de plusieurs démarches mises en place pour l’enseignement du français langue maternelle (FLM), langue seconde (FLS) et langue étrangère (FLE). Nous montrerons différentes activités possibles ayant en commun la nécessité de prendre en compte la notion de contexte au sens large, c’est-à-dire d’un point de vue lexical (réseau sémantique), textuel (cotexte) et pragmatique (environnement, aspects culturels, etc.).1. Contexte théorique La question de l’accès au sens a depuis toujours intéressé nombre de disciplines allant de la lexicologie, à la sémantique, la sémiotique et la philosophie du langage. Généralement, on accorde au contexte un rôle décisif, à l’instar de Malinowski ou de Firth, ce dernier (en réaction à la linguistique structurale) arguant « you shall know a word by the company it keeps » (Firth, 1957). Mis à l’extrême, c’est ce que Polguère (2015) nomme le “contextualisme lexical” (lexical contextualism), une conception selon laquelle les mots n’ont pas de sens dans l’absolu : ce seraient leurs contextes d’apparition qui leur donneraient le sens. D’autres positions moins radicales, comme le Lexique Génératif (Pustejovsky, 1995) présupposent que tous les mots ont néanmoins un sens originel et que, dans les cas des mots polysémiques, les sens se dérivent par inférence de ce sens originel en fonction de l’utilisation du mot dans un contexte donné. Le contextualisme, qu’il soit radical ou modéré, renvoie à la notion de “potentiel sémantique” émise par Recanati (2004) et que Polguère (ibid.) exprime avec l’image d’une ampoule non allumée : “we should not argue against the fact that words do not ‘mean’ by themselves. They ‘have a meaning,’ i.e. an inherent property that conditions their denotational effect in semiosis but, considered by itself, a word is just like an unlit light bulb". Quant à Bakhtine, il appréhende le contexte dans la perspective d’un dialogisme constitutif du lexique : « [Le mot] ne renvoie jamais à une seule conscience, à une seule voix. […] Chaque membre du groupe parlant trouve d’avance le mot non point comme mot neutre de la langue, libre des aspirations et des jugements des autres, inhabité par les voix des autres. Non, il reçoit le mot par la voix d’un autre et rempli de la voix de l’autre. » (Bakhtine, [1929] 2001, p. 235‑236). Le concept de sens lexical est au coeur des apprentissages des langues et demeure indissociable de la notion de contexte (même dans les approches lexicographiques qui listent et décrivent les sens d’une unité lexicale isolée, le sens se retrouve illustré par un exemple d’usage, c’est-à-dire en contexte). Toutefois, force est de constater qu’entre contextualisme et polyphonie, le sens lexical est marqué de complexité et ne se laisse pas saisir aisément. Comment faciliter, alors, l’accès au sens dans les processus d’enseignement-apprentissage du lexique en français (FLM, FLS, FLE) ? 2. Aspects didactiques Pour l’enseignement du lexique (et par conséquent pour faciliter l’accès au sens des mots), les enseignants déploient des activités explicites par le biais d’exercices spécifiques et systématiques sur le vocabulaire (Cellier, 2011). Pour autant, de nombreuses activités implicites contribuent aux apprentissages ; elles varient en fonction des apprenants et du niveau de langue, par exemple des jeux à l’oral, des lectures, etc. Ces activités « présentent un certain nombre d’avantages. Beaucoup de mots sont brassés dans ces conditions [implicites] ; ces rencontres non programmées peuvent être fructueuses car ces termes sont très bien contextualisés, condition importante d’une bonne mémorisation ». Le rôle du contexte est donc fondamental. De même, si les aspects quantitatifs sont importants lors des apprentissages lexicaux (incrément du stock lexical de l’apprenant), les aspects qualitatifs (travail sur la morphologie, la sémantique) ne peuvent pas être ignorés (Grossmann, 2011). Bien que les pratiques pédagogiques aient longtemps favorisé les aspects quantitatifs (listes de mots à apprendre, encore présentes dans certains manuels), de nos jours on peut faire état d’activités variées permettant le développement des compétences métalinguistiques, par exemple l’accès au sens d’un mot inconnu grâce au contexte (ibid.). Une fois de plus, le recours au(x) contexte(s) s’avère indispensable.Par ailleurs, les études sur l’acquisition/l’apprentissage du lexique en langue étrangère (Meara, 1996 ; Boulton, 1998) et en FLE/S (Cavalla, 2019) montrent également l’importance d’enseigner/apprendre les mots en contexte (et pas seulement à partir de listes) pour permettre aux apprenants de se constituer un lexique mental diversifié et dynamique. Car il s’agit d’acquérir “une compétence” plus qu’ ”une connaissance” lexicale dans la langue étrangère (Holec, 1994) afin de pouvoir “se débrouiller” (ibid.) dans différentes situations de compréhension ou de production. Une variété de stratégies d’enseignement (destinées à compléter les manuels qui proposent encore de nombreuses listes de mots en L2 et en L1) est préconisée pour s’adapter à l’hétérogénéité des apprenants puisque l’accès au sens des mots n’est pas vécu de la même manière selon le niveau de scolarisation, la culture d’apprentissage, la langue maternelle (et sa proximité avec la langue cible) et les langues apprises antérieurement, le profil et la motivation. La réflexion sur la traduction entre dans le champ de la didactique du lexique en classe de langue, ainsi que celle sur l’intercompréhension (Caddéo et Jamet, 2013), sans oublier la prise en compte des émotions (Cavalla, 2017) dans la mémorisation des mots nouveaux. Enfin l’accès au sens c’est aussi questionner le rôle et la place des unités lexicales au sein d’un texte. L’approche communicative encourage les textes authentiques quel que soit le niveau dans la langue étrangère. La compréhension du lexique est liée à une réflexion sur la lecture des textes en langue étrangère (Riquois, 2020) et sur le rôle du cotexte pour inférer le sens des mots encore inconnus.3. Contenu de l’article Dans cet article, nous aborderons la question de l’accès au sens à partir de différentes approches que nous illustrerons avec des activités menées dans des classes de FLE, FLS et FLM. Après avoir délimité notre champ d’étude et identifié les enjeux didactiques, nous illustrerons quelques pratiques enseignantes que nous avons menées, souvent innovantes par rapport aux méthodes proposées dans les manuels et/ou par les politiques linguistiques. Les différentes approches centrées sur l’accès au sens nous paraissent complémentaires. Elles permettent de réfléchir à la complexité de la contextualisation et aux perspectives qu’elle offre en matière de stratégies d’enseignement et d’apprentissage du lexique en français. À la lumière de ces éclairages théoriques et des expérimentations, nous nous demanderons si les processus d’accès au sens des unités lexicales sont si différents, selon les situations d’apprentissage. Se pencher sur les processus qui caractérisent l’accès au sens dans l’apprentissage du lexique permettra de remettre en question les traditionnelles catégories didactiques : FLM, FLS et FLE.

This article aims to provide an overview of current trends in vocabulary teaching, and to highlight several initiatives taken by the authors for teaching and/or improving French vocabulary for native learners (L1), and foreigners (French as second or foreign language, L2). After a cross disciplinary theoretical overview on the notions of ‘lexicon’ and ‘context’ we describe different activities having in common the necessity of considering the context in its broadest sense, that is, from a lexical, textual, discursive, and pragmatic perspective.1. Theoretical frameworkDifferent disciplines have been interested into the question of meaning, going from lexicology, semantics, to semiotics, and philosophy of language. Broadly speaking, the context is considered paramount, as Malinowski or Firth put it, for example through the famous quotation of the latter (arguing against structural linguistics) “you shall know a word by the company it keeps” (Firth, 1957). Taken to an extreme, Polguère (2015) calls it ‘lexical contextualism’, a conception that considers that words do not have meaning in the absolute (isolated): it would be their contexts that would bring it. Other less radical positions, such as the Generative Lexicon (Pustejovsky, 1995), suggest that all words have an original meaning. When polysemic, the different meanings derive by inference from an initial (original) meaning, depending on the usage of a word in a precise context. Contextualism, be it radical or moderated, is linked to the notion of ‘semantic potential’ proposed by Recanati (2004), notion that Polguère (ibid.) illustrates with the image of an unlit light bulb: “we should not argue against the fact that words do not ‘mean’ by themselves. They ‘have a meaning’, i.e. an inherent property that conditions their denotational effect in semiosis but considered by itself, a word is just like an unlit light bulb”. Last, but not least, Bakhtine considers the context in light of a dialogism inherent to the lexicon (kind of polyphony): the word “never refers to a single conscience, a single voice. (…) it is received through the voice of someone else” (Bakhtine, [1929] 2001, p. 235‑236).The notion of lexical meaning is at the heart of language learning and it can not be dissociated from the notion of context. As we can see, from contextualism to polyphony, the notion is complex and difficult to grasp. From there, how to facilitate access to meaning while teaching French L1 or L2?2. Pedagogical aspectsTo teach vocabulary (and to facilitate the access to word senses), language teachers can deploy explicit activities, that is specific and systematic exercises on vocabulary (Cellier, 2011). Implicit activities such as oral games, reading aloud, creating mind-maps, etc. to name a few, can also contribute to vocabulary learning. These implicit activities, which vary depending on the learners and on the level of language, have many advantages. A significant number of words are involved in effective classroom communication. In contextualizing them, the teacher can enhance their appropriation (Cellier, 2011). The role of the context is thus paramount. If quantitative approaches are important when learning vocabulary (increasing the lexical stock of the learner), qualitative approaches can not be ignored (Grossmann, 2011). While for a long time, pedagogical practices related to vocabulary have privileged quantitative aspects (word lists are still present in textbooks), a variety of activities are now implemented enabling to develop metalinguistic skills, i.e. getting access to word senses whilst working on contexts. Once again, the role of context is crucial.Recent studies in second language acquisition in general (Meara, 1996; Boulton, 1998) and specifically in French L2 (Cavalla, 2019) show the importance to teach/learn vocabulary in context as to dynamically build a diversified mental lexicon. The point is here to acquire skills and not lexical knowledge (Holec, 1994) to be able to cope with different situations, in comprehension and production.Besides, a variety of activities can be proposed in complement to textbook activities to handle heterogeneous classrooms: getting access to meaning may vary depending on the learner, his/her learning culture, his/her mother tongue (i.e. proximity with the languages already learnt), the languages learnt before, his/her motivation, etc. Insights on translation, cross-comprehension (Caddéo et Jamet, 2013), emotions (Cavalla, 2017), not to mention embodiment (Eshenauer et al., “Encorporer les langues vivantes” article in this issue), may also help memorizing new words and thus vocabulary appropriation. Finally, in communicative approaches for vocabulary teaching in L2, students are encouraged to use language as vehicle of communication and gradually develop their strategies in communication by using authentic texts. Vocabulary comprehension is linked to reflective activities on reading texts in the target language (Riquois, 2020) and on the role of context to infer meaning of unknown words.3. Contents of this articleIn this article, the authors propose different activities set up in French L1 or L2 classrooms, having in common a particular focus on the role of context in the processes of linguistic units’ learning. Following an overview of the domain as regards to its theoretical and educational aspects, we present innovative methods that go beyond more traditional approaches. Being complementary, those different activities are proposed as ‘food for thought’ on the complexity of contextualization for vocabulary appropriation and on the perspectives that contextualization offers on teaching/learning strategies. Considering the above, the authors raise the following question ‘is the process of accessing to meaning (word senses) really different in L1 and L2?’ and, consequently, they invite to rethink the artificial but persistent differentiation between L1 and L2 teaching approaches.

document thumbnail

Par les mêmes auteurs

Sur les mêmes sujets

Sur les mêmes disciplines

Exporter en