28 juillet 2016
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Marine Legagneur, « Twin Peaks : Modernité du conte, conte de la modernité », TV/Series, ID : 10.4000/tvseries.1499
En choisissant de faire de Twin Peaks, petite ville imaginaire parfaitement représentative de la province américaine, le théâtre d’évènements extraordinaires, Lynch inscrit sa série dans la lignée du conte, genre qui fait de la quotidienneté le terreau d’où vient surgir le merveilleux. L’analyse révèle d’ailleurs rapidement que le feuilleton emprunte à la fois ses structures formelles, son esthétique et ses thématiques au genre du conte. Comme lui, Twin Peaks a vocation à dire quelque chose du monde réel, par le biais même de ses éléments invraisemblables. En transposant ses personnages dans un univers diégétique moderne – dans une temporalité identifiable – Lynch donne toutefois à la série la possibilité de travailler les représentations de l’Amérique contemporaine, de participer d’une mythologie américaine. Comme les formes traditionnelles du conte, Twin Peaks devrait incarner un inconscient collectif. Pourtant, il semble qu’après la philosophie politique de Marx et la science psychanalytique de Freud, le récit merveilleux, trop conscient de ses processus et de ses structures, ne soit plus à même de remplir sa fonction : toute tentative d’établir des relations symboliques entre lui et le monde paraît vouée à l’échec parce que conscientisée. Les significations éclairées d’un jour trop cru s’épuisent et se font, nécessairement, parodiques. Le conte moderne se désenchante. Pourquoi dès lors Lynch privilégie-t-il encore le récit merveilleux, alors qu’il échoue à nous révéler quelque chose du monde ? Dans la lignée des critiques du récit – qui dénoncent son incapacité à rendre compte de la complexité du réel, Lynch ne cherche pas à donner de la lisibilité au réel. Mais bien loin de disqualifier le récit, il disqualifie le monde, et propose au spectateur de vivre, avec le feuilleton, une pure expérience poétique à l’écart de la réalité.