1983
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Santé mentale au Québec ; vol. 8 no. 1 (1983)
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Gisèle Legault, « Le courant de psychiatrie radicale et l’intervention auprès des femmes (une expérience californienne) », Santé mentale au Québec, ID : 10.7202/030161ar
C'est dans le sillage du mouvement critique psychiatrique, lancé par Eric Berne, que le Collectif de psychiatrie radicale s'est formé à Berkeley, en Californie, au début des années 70.À partir de l'analyse de l'aide thérapeutique dominante, perçue comme aliénante, et son résultat, une oppression dont la personne n'est pas consciente, le Collectif enseigne une nouvelle pratique représentée par l'équation suivante : conscience de son oppression + contact avec d'autres gens dans la même situation +action = libération. Cette équation entend répondre à la précédente : oppression +non-conscience de son oppression + isolement = aliénation. Utilisant les concepts de composantes de la personnalité élaborés en analyse transactionnelle, soit les trois états de l'ego : le Parent, l'Adulte et l'Enfant, le Collectif montre que certaines composantes des rôles sociaux, apprises à travers le processus de socialisation, sont inégalement et différemment développées chez les hommes et les femmes, et qu'une rencontre harmonieuse est, par conséquent, impossible. Pour résoudre ces difficultés, le Collectif dirige des groupes mixtes d'aide thérapeutique et des groupes de femmes. Ces derniers, formés surtout par Hogie Wyckoff, tiennent compte de l'oppression spécifique des femmes et les aident à travailler sur leurs composantes, qui sont insuffisamment développées ou sous-estimées par une société capitaliste inégalitaire.Le courant de psychiatrie radicale met en relation les caractéristiques fondamentales de la société capitaliste, principalement les rapports humains et les problèmes de vécus individuels. Il démontre également l'agencement logique des rôles sociaux - limitatifs et insatisfaisants, mais fonctionnels - à l'intérieur d'une telle société. L'approche est fort intéressante pour une pratique thérapeutique auprès des femmes en général, et, plus spécifiquement, auprès des clientes des services sociaux et de santé. Toutefois, l'approche ne doit pas se limiter à ne considérer que les facteurs concrets et interactionnels de la relation entre une intervenante de classe moyenne éduquée et une cliente de milieu populaire souvent démunie à divers niveaux. Les répercussions de différence de classe sur une relation qu'on veut egalitaire demeurent encore inconnues, les intervenants en psychiatrie radicale travaillant principalement avec une clientèle de classe moyenne. Cette lacune constitue la limite principale de l'approche observée, limite qui devrait être davantage sondée et analysée.